« Dans un contexte d’évolution démographique, quels enjeux pour notre politique familiale ? » : l’Unaf auditionnée par l’Assemblée nationale
Le 19 mars 2025, Bernard Tranchand, Vice-Président de l’Unaf, Guillemette Leneveu, Directrice Générale, et Yvon Sérieyx, Chargé de mission sur la conciliation vie familiale-vie professionnelle, ont été auditionnés par trois députés, Perrine Goulet (Nièvre, Démocrates), François Ruffin (Somme, Ecologiste et social) et Karine Lebon (La Réunion, GDR) en préparation du débat organisé à l’Assemblée nationale le 27 mars sur le thème « Dans un contexte d'évolution démographique, quels enjeux pour notre politique familiale ? ». Claire Ménard, Chargée des relations parlementaires, les accompagnait.

Compte-rendu de l’audition de l’Unaf par les rapporteurs du débat en séance publique du 27 mars 2025 sur le thème « Dans un contexte d’évolution démographique, quels enjeux pour notre politique familiale ? »
Le 19 mars 2025, Bernard Tranchand, Vice-Président de l’Unaf, Guillemette Leneveu, Directrice Générale, et Yvon Sérieyx, Chargé de mission sur la conciliation vie familiale-vie professionnelle, ont été auditionnés par trois députés, Perrine Goulet (Nièvre, Démocrates), François Ruffin (Somme, Ecologiste et social) et Karine Lebon (La Réunion, GDR) en préparation du débat organisé à l’Assemblée nationale le 27 mars sur le thème « Dans un contexte d’évolution démographique, quels enjeux pour notre politique familiale ? ». Claire Ménard, Chargée des relations parlementaires, les accompagnait.
Le premier point des échanges a porté sur la forte baisse de la fécondité depuis 10 ans avec dans le même temps, le désir d’enfant toujours fort chez les couples en âge de procréer (2,27 enfants). L’Unaf a rappelé que ce chiffre soutenu et constant du désir d’enfant reposait dans un premier temps sur trois enquêtes européennes spéciales de l’Eurobaromètre (2001, 2006, 2011). La question suivante était posée : « Quel est le nombre idéal d’enfants que vous aimeriez personnellement avoir ou auriez aimé avoir ? » Le nombre moyen pour ces trois années était, respectivement, de 2,4, puis 2,5, puis 2,39. Ces données ont servi de base à de nombreuses publications. Dans un second temps, faute de suivi des enquêtes européennes, l’Unaf a souhaité rafraîchir ce chiffre en 2020 puis 2023 en utilisant la même question et le même mode de collecte en face à face, pour la même taille d’échantillon. Les résultats ont été de 2,39 et 2,27 enfants.
L’audition s’est poursuivie sur les facteurs explicatifs de cette baisse des naissances. L’Unaf a ainsi rappelé que bien sûr, de meilleures conditions d’emploi, un meilleur accès au logement et une inflation maitrisée sont aussi des conditions déterminantes pour favoriser les naissances. Mais l’Unaf, à l’appui d’études et d’économistes, a alerté sur les coups portés à la politique familiale ces dernières années comme facteur explicatif.
1/ La destruction massive des aides socio-fiscales spécifiques aux parents : coupes spectaculaires dans les prestations monétaires, tant sociales que fiscales, que l’Unaf avait démontrées dès 2019 et qu’elle n’est plus la seule à dénoncer. La liste de ces coupes ne peut se réduire aux deux seules mesures de modulation ou de mise sous conditions de ressources des allocations familiales et à la double baisse du plafond du quotient familial. Le total des économies réalisées au détriment des familles s’élève à 5 Md€.
- Les coupes ont commencé dès 2008 avec la majoration pour âge, qui s’appliquait auparavant au 11 ans et 16 ans de l’enfant ramené uniquement au 14 ans de l’enfant.
- Réforme des modalités de revalorisation des prestations de sécurité sociale (sur la base de l’inflation constatée) dans la LFSS pour 2016.
- Décalage du versement de la prime de naissance (revenue ensuite avant la naissance) et de l’AB de la PAJE en 2014.
- Allocation de base de la PAJE (modulation de l’AB, baisse des plafonds du CMG + gel de l’AB) en 2014.
- Suppression CLCA majoré LFSS pour 2014.
- Réforme de la PAJE (alignement des montants et plafonds sur le complément familial).
- Suppression APL Accession, réduction du loyer de solidarité, diminution 5€ sur les APL (LFSS 2018)
A ces mesures impactant directement les parents, s’ajoutent les transferts de charges des autres branches de la sécurité sociale vers la branche famille réduisant les marges de manœuvre : dernière en date 2 Md€ de la branche maladie vers la branche famille en LFSS pour 2024 au titre des IJ congé maternité postnatales.
Le HCFEA a, en effet, mesuré l’ampleur des pertes subies en termes de prestations et l’insuffisance de leur indexation ; la Cour des comptes et le Conseil des prélèvements obligatoires ont également reconnu les pertes subies par les familles sur le plan fiscal et préconisé de consacrer davantage de moyens à la prise en compte de la charge d’enfant. Or, cette prise en compte socio-fiscale de la charge d’enfant est nécessaire pour faire face aux dépenses spécifiques supportées par les familles : en particulier, le coût du logement et les charges financières sont devenus des obstacles majeurs à la réalisation du désir d’enfant.
La baisse des naissances affecte autant les deuxièmes et troisièmes naissances que les premières. Le report de ces naissances décale d’autant les suivantes et les rend plus aléatoires. Notons que 20 % des personnes ayant eu des enfants auraient souhaité les avoir plus tôt, contre 9 % il y a 10 ans.
2/ La détérioration de la conciliation vie familiale /vie professionnelle : 38 % des parents en emploi éprouvent au moins plusieurs fois par mois des difficultés à remplir leurs obligations familiales à cause du temps qu’ils passent au travail. C’était 17 % en 2007. Là encore, les politiques publiques ont contribué à cette dégradation : - La destruction du congé parental à compter de 2014.
- Un système d’accueil du jeune enfant, insuffisant, de plus en plus coûteux pour les parents, et dont la qualité est devenue défaillante. Depuis 10 ans, il n’y a plus de données publiques sur le coût des modes d’accueil collectif ou individuel alors que les aides publiques pour les parents n’ont cessé d’être rabotées et que le contexte économique s’est aggravé ; c’est pourquoi l’Unaf a mené l’enquête auprès de 600 parents d’enfants âgés 0 à 3 ans.
Les résultats sont alarmants avec des restes à charge à fort impact sur le budget des familles, sur le travail des femmes et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. - 67 % des parents témoignent que le coût de l’accueil de leur enfant constitue une préoccupation importante.
- 51 % ont réduit le nombre d’heures d’accueil de leur enfant pour en limiter le coût. Les chiffres de la CNAF le confirment, il y a une baisse du nombre d’heures facturées PSU. Pour les parents cela signifie des arbitrages face à l’augmentation du coût des heures de garde avec une baisse pour les femmes de leur temps de travail et des moindres revenus pour le foyer.
- Enfin pour plus d’un tiers, le coût actuel du mode d’accueil les contraint à différer une autre naissance ou adoption ou à y renoncer. Le reste à charge pour les parents est en constante augmentation et la facture peut monter jusqu’à 1 000 euros par mois.
Dans le contexte actuel de crise du secteur de la Petite enfance et à l’heure de la mise en place du Service public de la petite enfance, il faut arrêter toutes les mesures d’augmentation du coût pour les parents.
La situation de la France en termes de coût de l’accueil ne cesse de se dégrader comme le montrent plusieurs indicateurs. L’OCDE classe ainsi la France en 20e position sur 27 en 2022 en termes de coût de l’accueil dans le budget d’un couple dont chacun gagne le salaire moyen. La France était 12ième en 2008.
L’Unaf appelle donc à la suspension du déplafonnement de la participation des parents dans les Etablissements d’accueil des jeunes enfants et demande que la réforme du CMG soit calibrée par décret de manière à ne pas faire 43 % de familles perdantes comme cela a été annoncé en LFSS pour 2023.
S’agissant de la garde des enfants, la question a été posée de savoir comment s’articulaient les trois modes d’accueil entre solidarité familiale et recours à une assistante maternelle ou à un EAJE.
L’Unaf a ainsi rappelé que la famille (les parents et les grands-parents) était le premier mode d’accueil des jeunes enfants et loin derrière les assistantes maternelles. Les crèches ne sont que le 3e mode d’accueil des jeunes enfants pour 13 % d’entre eux.
Il a été souligné que la garde des enfants par les grands-parents a été impactée par le recul de l’âge de départ en retraite : les grands-parents toujours en activité ne pouvant libérer de leur temps pour s’occuper de leurs petits-enfants. La question de l’éloignement géographique des membres de la famille pèse également sur l’activation de la solidarité familiale pour faire face à la garde des enfants.
Un questionnement des députés a porté sur les déterminants autres que la prise en charge de la petite enfance sur la baisse de la fécondité et le lien qui pouvait être fait ou non avec la politique familiale.
L’Unaf a répondu en affichant les deux schémas suivants :


Enfin, l’audition s’est terminée sur une question touchant au monde de l’entreprise et sur le fait de savoir si les employeurs étaient suffisamment investis pour reconnaître que les salariés avec qui ils travaillent peuvent aussi être des parents.
Sur ce point, l’Unaf appelle à une articulation nécessaire entre congés et accueil de la petite enfance et regrette que les négociations d’entreprise appréhendent peu ou mal cette question.
L’Unaf adhère pleinement au schéma tracé par le rapport Cyrulnik des 1 000 premiers jours de l’enfant : offrir des possibilités réelles de congés pour les parents durant la première année de l’enfant, suivies de solutions d’accueil extérieur de qualité.
L’Unaf a également rappelé que la France n’a toujours pas transposé en droit interne la directive européenne Work life balance du 20 juin 2019 alors qu’elle était tenue de le faire au plus tard le 2 août 2022. Cette directive impose aux états membres de mettre en œuvre les dispositions suivantes :
- la condition préalable d’activité pour obtenir une indemnisation du congé parental doit passer de 8 trimestres à une seule année.
- le niveau d’indemnisation du congé parental pour permettre un niveau de vie décent. »
- un « droit de demander » pour tous les salariés parents ou aidants. La directive accorde à tout salarié de l’UE, parent d’un enfant de moins de 8 ans, aidant familial, le droit de demander une « formule souple de travail » (c’est-à-dire un temps partiel, un recours au télétravail ou un aménagement horaire) à son employeur, qui doit justifier tout refus.
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