Expertise

L’Unaf auditionnée sur la qualité de l’accueil individuel du jeune enfant et sur l’attractivité de la profession d’assistant maternel

La Présidente de l’Unaf, Marie-Andrée Blanc, a été auditionnée le 28 juin dernier, sur la qualité de l'accueil individuel du jeune enfant et sur l’attractivité de la profession d'assistant maternel, dans le cadre d’une mission confiée à l’IGAS. Ainsi, l’Unaf a pu donner sa vision sur la problématique générale de la qualité de l’accueil individuel des jeunes enfants, et aborder les pistes de progrès possibles pour favoriser la qualité de l’accueil et le développement de modes de garde alternatifs. Le sujet de l’attractivité du métier d’assistante maternelle a aussi été évoqué.

Enfant jouant

Rappel : La mission confiée à l’Igas par Madame la Ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles, Sarah El Haïry est composée d’Isabelle Benoteau, Thierry Leconte et de François Carayon, présents lors de cette audition.

De son côté, Marie-Andrée Blanc était accompagnée de Patricia Humann, coordonnatrice du pôle « Ecole, Petite enfance, Jeunesse » et d’Yvon Serieyx, chargé de mission au pôle « Economie – Consommation – Emploi ».

Les sujets suivants ont été abordés :

  1. Vision de l’Unaf sur la problématique générale de la qualité de l’accueil individuel des jeunes enfants : pistes de progrès possibles afin de favoriser la qualité de l’accueil

Le métier d’assistante maternelle demeure féminisé à plus de 99 %, et aucune évolution ne s’observe sur ce plan depuis 2003. Ainsi, l’on parlera d’assistantes maternelles et non d’assistant maternel.

Notre vision est que l’accueil par les assistantes maternelles est tout à fait adapté à un enfant de 3/6 mois à 2 ans et peut être de qualité tout à fait équivalente à l’accueil en crèche.

L’accueil par une assistante maternelle est plus personnalisé, celle-ci peut mieux s’occuper d’un tout petit et même d’un plus grand.

Le taux d’encadrement y est plus favorable qu’en crèche (Cf. La revue de littérature sur les politiques d’accompagnement au développement des capacités des jeunes enfants. Dossier d’étude 215 Cnaf. P.85) : « Le ratio conseillé au niveau international est de 1 /3 pour les enfants avant deux ans, et de    1 /5 maximum pour les enfants de 2 à 3 ans, dans des groupes de 8 enfants maximum. Or, nous avons aussi vu qu’en France, en crèche, les ratios en rigueur sont de 1/5 pour les enfants avant l’âge de marcher et de 1/8 ensuite. Les ratios des modes d’accueil individuels (1/4 maximum) apparaissent à ce titre, plus favorables ».

De nombreux rapports (1000 premiers jours, Igas sur la maltraitance, commission d’enquête de l’Assemblée nationale) remettent en cause le ratio actuel en France en crèche de 1/5 et 1/8 et proposent 1/5 global.

L’accueil des nourrissons par une assistante maternelle s’apparente à du « maternage », ce qui est plus adapté pour eux que l’accueil en crèche. Il y a aussi moins de nuisances sonores. L’Unaf a réalisé une étude exploratoire sur les pratiques des assistantes maternelles, avec l’Ufnafaam et Cécile Ensellem, docteur en sociologie : https://www.unaf.fr/ressources/etude-exploratoire-sur-les-pratiques-des-assistantes-maternelles/ : « Toutes celles qui accueillent des bébés manifestent plus d’élans (caresse sur le front, petits bisous au réveil, prise dans les bras au besoin). Il en ressort donc une attention spécifique à la personne du bébé, qui s’apparente à du « maternage ».

Leurs compétences théoriques peuvent être moins développées qu’en crèche mais leur expérience leur donne des compétences pratiques et concrètes utiles (Cf Etude Cécile Ensellem déjà citée : Expertise de la relation aux jeunes enfants et de la gestion du groupe : « Les petites attentions entre enfants, particulièrement des plus grands aux plus petits, les rires partagés, les moments de complicité voire de solidarité entre eux et avec l’assistante maternelle témoignent de l’existence d’un monde partagé. Ce petit monde doit être géré et derrière la patience érigée comme une des premières qualités se cachent en réalité une « expertise de la relation aux jeunes enfants » et de « gestion du groupe » [1]et ce malgré le caractère restreint du nombre d’enfants. S’observent également des compétences en matière de soutien aux enfants, d’enchaînement des temps de manière fluide, grâce à la contribution des enfants.” ; soutien des apprentissages des enfants : « Au travers des différents jeux, on peut observer que les assistantes maternelles soutiennent les apprentissages cognitifs et de motricité, ce que peu formulent. Encore plus implicite est le fait que l’ensemble de la vie quotidienne devient occasion d’apprentissage : les échanges avec les enfants, la désignation d’objet durant le repas, la politesse, le respect des autres. Apprendre des savoirs et savoirs faire, être socialisé, se développer, les assistantes maternelles s’inscrivent-elles alors dans un enjeu de préparation à l’école ? » ; respect du rythme des apprentissages et vigilance vis-à-vis d’un éventuel retard : « Leurs manières de faire et d’expliciter ce qu’elles font témoignent de la volonté à la fois de respecter le rythme de l’enfant dans ses acquisitions, les apprentissages (tel enfant « prend son temps ») tout en restant vigilantes. C’est précisément ce qui fait de l’individualisation de l’accueil un travail complexe (jamais formulé), puisqu’il s’agit de naviguer entre deux risques : 1/ adopter une attitude trop normative et ne percevoir le développement qu’à l’aune de son âge –  2/ passer à côté d’une difficulté de développement en voulant se distancier trop d’une lecture des capacités individuelles ».

Quand on compare l’accueil individuel à l’accueil collectif, on évoque souvent la socialisation des enfants qui serait plus développée dans les crèches et certains chercheurs évoquent aussi l’acquisition du langage.

En réalité, il y a aussi des recherches qui montrent un effet plus positif de l’accueil individuel sur les comportements des enfants (moins de stress, moins de colères, équilibre émotionnel peut être meilleur ?). Mais elles sont moins nombreuses et moins mises en avant.

Un accompagnement des assistantes maternelles serait utile.

Le contrôle est une bonne chose : il faudrait des contrôles plus fréquents et « inopinés ».

Mais il ne suffit pas, pour faire évoluer l’accueil vers un accueil de qualité quand il y a des problèmes (cf l’étude de Cécile Ensellem, qui est très intéressante à ce sujet : « Ce travail sur autrui mobilise des affects, et demande une capacité à ne pas se laisser déborder par eux. Le fait de perdre patience voire de prendre un enfant en grippe est une situation crainte par toutes, perceptible dans des réactions contenues et observées particulièrement chez deux assistantes maternelles au moment de notre venue, une d’entre elle manifestant des signes d’exaspération par des relations tendues voire conflictuelles avec les enfants. Quand elles sont confrontées à des relations difficiles avec des enfants, et que la prise de distance qu’offre les collègues n’est pas suffisante, toutes (sauf une, Mme SB) affirment ne pas hésiter à contacter la PMI. Dans certains cas, celle-ci peut s’avérer d’un grand secours par l’écoute, la proposition de se rendre dans un groupe de parole sur le territoire voire la co-construction des réponses. La création d’une alliance est possible avec la puéricultrice de PMI, pour autant qu’elle soit disponible et même si elle est perturbée par sa fonction de contrôle (« La PMI est là aussi pour nous aider » résume cette tension) ».

L’analyse de l’Ufnafaam est cependant différente : selon elle, 80% des assistantes maternelle hésitent à contacter la PMI par peur d’une position de contrôle plus que de soutien, d’accompagnement.

Le fait que les assistantes maternelles puissent sortir de leur solitude est aussi un gage de qualité de l’accueil.

Aller au Relais Petite Enfance -RPE- est bénéfique pour les enfants comme pour les assistantes maternelles et peut rassurer les parents. Mais les RPE sont inégalement dotés et diffusés sur le territoire.

Il faut que les assistantes maternelles puissent aussi se rendre dans des ateliers collectifs organisés pour les enfants par toute collectivité locale, association d’assistantes maternelles (Cf étude Cécile Ensellem) :  « Les assistantes maternelles rencontrées (toutes sauf une) font des sorties, des activités à l’extérieur, suivent des formations avec d’autres assistantes maternelles qualifiées de « collègues ». Et de fait, ce groupe fonctionne comme une véritable équipe professionnelle auto-organisée qui participe de la construction de leur professionnalité : des conseils d’intégration dans le métier, de régulation de l’activité et de renouvellement de pratiques. Ce mini collectif de pairs permet aussi de se faire remplacer en cas de « coups durs », mais aussi tout simplement de se détendre ».

Les RPE sont bien perçus à certaines conditions : les échanges doivent être régulés par un animateur extérieur, les bébés devraient pouvoir être accueillis aussi : « Dans un cas, les assistantes maternelles se rendent au RPE deux fois par semaine et apprécient la qualité de ce qui est proposé tout autant pour les enfants que pour elles-mêmes. Dans les autres, l’attente des professionnelles à leur égard se manifeste surtout par l’expression de frustrations (par exemple le manque de souplesse sur la fréquentation par des bébés qui impacte nécessairement les plus grands…) ou de déceptions. A été évoqué le manque de régulation des échanges entre assistantes maternelles, ne permettant pas de réduire la centration quasi exclusive des discussions sur les difficultés vécues avec les parents ».

La formation des assistantes maternelles : il faut pouvoir en échanger avec les parents, que des temps puissent être éventuellement dégagés pour la formation continue.

Les relations avec les parents

L’Unaf a publié, avec l’Ufnafaam, 2 guides pour aider parents et assistantes maternelles à avoir de bonnes relations :

https://www.unaf.fr/ressources/charte-pour-bonnes-relations-entre-parents-et-assistantes-maternelles/

https://www.unaf.fr/ressources/parents-assistants-maternels-guide-inedit-pour-ouvrir-dialogue-sur-differences-religieuses-et-culturelles/

Comme le souligne les études qualitatives de l’Unaf sur le choix d’un mode d’accueil et sur la conciliation vie familiale vie professionnelle pour les parents de jeunes enfants, les parents sont plus enclins à imaginer la maltraitance chez les assistantes maternelles qu’en crèches, car elles sont seules et personne ne peut leur dire qu’elles dérivent, ou ne peut les aider quand elles « craquent ».

En crèche, les parents pensent que la surveillance de l’équipe suffit généralement : « Je préfère la crèche, elles sont plusieurs professionnelles à s’occuper des enfants, s’il y en a une qui n’y arrive plus, il y en a d’autres qui peuvent prendre le relais. On est plus dans la sécurité » (Cf. étude qualitative de l’Unaf sur la conciliation).

https://www.unaf.fr/ressources/modes-de-garde-vecu-et-attentes-parents-et-futurs-parents/

https://www.unaf.fr/ressources/conciliation-vie-familiale-et-vie-professionnelle-pour-les-parents-de-jeunes-enfants/

2/ Le développement de modes de garde alternatifs : maison d’assistantes familiales, crèches familiales…

L’Unaf a toujours défendu les crèches familiales, qui sont une forme particulièrement sécurisante et de qualité de l’accueil des enfants, mêlant :

Mais les parents ne connaissent pas les crèches familiales. Il y en a de moins en moins, pas assez d’aides pour financer correctement le salaire des assistantes maternelles : 2,85 € par heure.

Les Maisons d’assistantes maternelles -MAM- : l’Unaf a un retour plutôt positif des parents.  Mais il faudrait un médiateur, un accompagnement en cas de conflits et une formation peut être plus solide au démarrage.

3/ Le sujet de l’attractivité du métier d’assistante maternelle et les pistes citées dans la lettre de mission

L’attractivité globale de ce métier dépendra forcément d’une revalorisation des rémunérations. Cette revalorisation doit suivre deux lignes directrices :

Aucun report ne doit être fait des revalorisations sur le reste-à-charge payé par les parents.

L’Unaf préconise :

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[1] Sophie Devineau. « La vulnérabilité des assistant.e.s maternel.le.s op. cit.