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Note du réseau Unaf-Udaf sur l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection

Le réseau Unaf-Udaf publie une note présentant l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection. La note de l’Unaf du 6 décembre 2022 présente les enjeux de cette définition et le consensus au sein de la profession qui s’est dégagé en 2018 en s’appuyant notamment sur la dernière publication de la Haute Autorité de Santé : « accompagner la personne nécessitant une mesure de protection juridique dans l’exercice de ses droits et vers un parcours de vie inclusif » (note de cadrage de novembre 2022).

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Note réseau Unaf Udaf sur l'accompagnement par le MJPM dans le cadre d'une mesure de protection

La présente note sur l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection juridique est proposée par le réseau Unaf-Udaf à l’occasion des travaux d’élaboration d’un référentiel d’activités pour le métier de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM).

La rédaction de ce référentiel d’activités est une proposition, issue d’un consensus, du groupe de travail interministériel de 2021.

Dans le cade de ce travail, le réseau Unaf-Udaf considère qu’il est indispensable que les spécificités de l’accompagnement par le MJPM de la personne bénéficiant d’une mesure de protection juridique soient clairement identifiées (note de positionnement de l’Unaf du 29 novembre 2022, doc. n°1).

1 – Pourquoi définir l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection ?

Concernant le besoin de définir l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection, le constat est unanime :

« La notion d’accompagnement, qui est absente du code civil, est trop floue et génère des interrogations et confusion auprès de la personne protégée et des partenaires professionnels qui ont tendance à se retirer dès le prononcé de la mesure de protection » (Fnat – 2018 – doc. n°2, p. 17).

La Haute Autorité de Santé confirme que la méconnaissance des missions du MJPM par les tiers peut « conduire au désengagement de certains professionnels pourtant légitimes à intervenir (services spécialisés, dispositifs de droit commun) et à des attentes à l’égard du mandataire judiciaire qui vont au-delà des limites du mandat et de l’esprit de la loi » (note HAS – 2022 – doc. n°12, p. 6)

D’ailleurs, en 2018, il avait été noté qu’il est « fondamental de définir clairement le terme d’accompagnement dans la protection juridique des majeurs et de communiquer massivement auprès des tiers, des familles et de l’ensemble des acteurs » (rapport 2018 – doc. n°7, p. 55).

Quels sont les risques à définir par la négative l’accompagnement par le MJPM dans le cadre de la mesure de protection ?

Sans définition positive de l’accompagnement par le MJPM dans le cadre de la mesure de protection, nous sommes en présence d’une définition négative (par la liste de ce que ne fait pas le MPJM). Cette définition en creux ne pourra jamais être exhaustive (comment démontrer ce que le MJPM ne fait pas, tant au sein de la profession que vis-à-vis des tiers ?).

C’est pourquoi, il faut qualifier l’accompagnement du MJPM dans le cadre de la mesure de protection « pour éviter la confusion avec l’accompagnement social » (Fnat – 2018 – doc. n°2, p. 18).

Quels sont les avantages à définir la spécificité de l’accompagnement par le MJPM dans le cadre de la mesure de protection ?

L’accompagnement « doit être spécifique et articulé aux autres accompagnements dans une stratégie globale d’intervention » (doc n°15, p. 26). Ainsi, les professionnels qui interviennent auprès de personnes bénéficiant d’une mesure de protection doivent voir les spécificités de leur métier et leurs compétences reconnues :

« Reconnaissance de leur plus-value sociale et sociétale mais aussi de leur expertise et compétence s’agissant de l’accompagnement de personnes dont le handicap requiert des aides humaines diverses, et des interventions multiformes » » (Plaidoyer Unapei – 2022 – doc. n°3, p. 7).

L’ensemble des unions et fédérations du secteur ont reconnu la nécessité de définir l’accompagnement par le MPJM dans le cadre de la mesure de protection, notamment à l’occasion de la mission interministérielle de 2018 (note cosignée par les fédérations du secteur – 2018 – doc. n°4).

En effet, « Il n’y a pas d’accompagnement de qualité sans professionnels de l’accompagnement qualifiés et formés… et l’accès de la personne en situation de handicap à une gamme suffisante d’offres de services d’accompagnement est la condition d’une vie digne et incluse dans la société » (Plaidoyer Unapei – doc. n°3, p. 8).

2 – A qui bénéficiera une définition de l’accompagnement par le MJPM dans le cadre de la mesure de protection ?

A tout le monde !

3 – L’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection a-t-il été défini ?

Oui, l’ensemble des unions et fédérations du secteur ont publié une position commune en 2018 (doc. n°4). Cette position figure aussi dans le rapport de mission interministérielle de 2018 (doc. n°7) et dans les « repères pour une réflexion éthique des MJPM » parus en 2021 (doc. n°9, p. 11à 13).

Dans le cadre de l’élaboration d’un référentiel métier, il est désormais nécessaire de bien délimiter les deux aspects de l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection :

4 – Comment se définit un accompagnement ?

Le MJPM participe à l’accompagnement de la personne protégée. Il est nécessaire de qualifier l’accompagnement spécifique du MJPM afin de délimiter le champ d’intervention du MJPM.

Tout accompagnement délimite le champ d’intervention du professionnel afin d’éviter tous débordements et de bien coordonner l’ensemble des intervenants.

La qualification de l’accompagnement répond aux difficultés de la personne :

Exemples de qualification de l’accompagnement : « accompagner dans ou vers le logement », « accompagnement budgétaire », « accompagnement éducatif », « accompagnement pédagogique » ou encore pour les services sociaux « accompagnement social » pour l’accès aux droits sociaux…

Exemples de difficultés nécessitant l’accompagnement : difficulté à accéder à un logement, difficulté à accéder à ses droits sociaux, difficulté à gérer son budget…

Pour ce qui concerne la protection juridique des majeurs, l’article 425 du Code Civil désigne la difficulté rencontrée par la personne bénéficiant d’une mesure de protection juridique : l’impossibilité pour la personne de pourvoir seule à ses intérêts et le cas échéant, d’exprimer sa volonté, en raison d’une altération de ses facultés personnelles (mentales ou physiques).

5 – Que dit le code civil sur l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection ?

Le MJPM intervient sur la base d’un mandat qui lui est confié par le juge des tutelles (ou par contrat dans le cadre du mandat de protection future).

Le Code civil n’évoque pas l’accompagnement dans les mesures de protection juridique.

Toutefois, la loi du 5 mars 2007 a pour objet de « tracer une ligne de partage claire entre les mesures de protection juridique et les mesures d’accompagnement social » (rapport Sénat, doc. n°16) .

Il y a ainsi une ligne de partage entre :

Comme le rappelle la HAS, la réforme de 2007 vise à « limiter les mesures de protection aux personnes atteintes d’une altération de leurs facultés personnelles médicalement constatées » (note HAS – 2022 – doc. n°12, p. 2)

La loi a ainsi tracé « une frontière hermétique à respecter impérieusement » et il y aurait une méconnaissance des règles de droit si les mesures de protection étaient utilisées « à tort pour gérer des cas d’endettement, de précarité sociale… » (Fnat – 2018 – doc. n°2, p. 5).

Or, depuis 2016, nombreux sont ceux qui ont constaté que cette distinction claire n’est pas toujours respectée et qu’il y a parfois des confusions entre les deux types de mesures (protection juridique /accompagnement social) : – Défenseur des droits (2016 – doc. n°5) – Cour des comptes (2016 – doc. n° 6) – Mission interministérielle (2018 – doc. n°7) – mission d’information parlementaire (2019 – doc. n°8).

Il est donc indispensable de bien rappeler les missions du MJPM dans le référentiel métier et notamment de bien délimiter son accompagnement dans le cadre de la mesure de protection confiée par le juge.

6 – Quel est l’objectif de l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection ?

Le Code civil, même s’il ne parle pas d’accompagnement, montre les objectifs de la mesure de protection juridique et de l’accompagnement qu’elle implique de la part du MJPM, en posant le paradoxe suivant :

L’impossibilité pour le bénéficiaire de faire valoir seul ses intérêts dans les actes liés à sa personne et à son patrimoine, en raison d’une altération de ses facultés mentales ou de ses facultés physiques de nature à empêcher l’expression de sa volonté (article 425 du code civil).

Ce paradoxe entre altération des facultés mentales/difficulté, voire impossibilité d’exprimer sa volonté et l’obligation de prendre en compte cette volonté se résout par une protection juridique avec un accompagnement qui a pour objectif prioritaire de rechercher la volonté du majeur et son consentement dans la réalisation de tous les actes civils.

Cet accompagnement par le MJPM vise principalement à :

De la même manière, la HAS indique que « la protection juridique a vocation à permettre l’exercice des droits » et que « c’est un moyen susceptible de soutenir le processus décisionnel et de compenser la perte ou l’absence de capacité d’exercice » (note HAS – 2022 – doc. n°12 – p. 5). Nous rejoignons donc sa définition de l’accompagnement dans le cadre d’une mesure de protection : « Accompagner la personne nécessitant une mesure de protection juridique dans l’exercice de ses droits et vers un parcours de vie inclusif ».

7 – Comment s’effectue l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection ?

Les MJPM doivent se mobiliser pour que la personne ait la possibilité de s’exprimer et d’affirmer ses choix (cf. Unapei).

Cet accompagnement consiste principalement à :

Pour ce faire, le MJPM informe, communique, dialogue, rencontre, évalue, analyse, apprécie… A l’issue de ce long et complexe processus, le MJPM assiste ou représente la personne pour la réalisation des actes de la vie civile, dans le cadre du mandat judiciaire.

Le travail du MJPM implique donc de manière inconditionnelle une proximité avec la personne afin d’identifier ses souhaits, préférences et besoins et d’assurer un accompagnement d’aide à la prise de décision.

Le travail du MJPM porte ainsi notamment sur les points suivants : recherches et recueil du consentement, des préférences, des habitudes de vie ou de l’expression de la volonté de la personne, prise en compte des capacités fonctionnelles fluctuantes de la personne selon le moment et l’interlocuteur, respect de la temporalité du processus réflexif et décisionnel de la personne… (note HAS – 2022 – doc. n°12, p. 4).

8 – Dans quelles perspectives doit se placer une définition de l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection ?

Dans le cadre de l’élaboration d’un référentiel métier (qui servira de base à un référentiel de compétences et d’évaluation), la définition de l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection doit intégrer « une réflexion nécessairement prospective » car ces référentiels ont vocation à être un « dispositif stable » (France Compétences – doc. n°2).

Pour ce qui concerne le métier de MJPM, la vision prospective procède des obligations issues, notamment, de la convention internationale sur les droits des personnes handicapées, et notamment :

Comme le relève la HAS (doc. n°12, p. 3), la France ne répond que partiellement aux obligations internationales issues de cette convention.

Par conséquent, il apparaît indispensable que les spécificités de l’accompagnement de la personne protégée par le MJPM dans le cadre de sa mission issue du mandat judiciaire qui lui est confié, soient correctement identifiées au regard de la vision inclusive de l’ONU.

9 – Quels sont les enjeux de la définition de l’accompagnement par le MJPM dans le cadre d’une mesure de protection ?

Comme on l’a vu, chaque accompagnement « doit être spécifique et articulé aux autres accompagnements dans une stratégie globale d’intervention » (doc. n°15, p. 22 et s.).

Lorsqu’une mesure de protection juridique devient nécessaire, il convient de « rappeler que le soutien apporté à la personne dans l’exercice de ses droits doit se faire en lien avec tous les autres intervenants » » (rapport de mission interministérielle 2018 – doc. n°7, p. 57).

Ainsi ;

D’une part, cela priverait les personnes bénéficiant d’une mesure de protection juridique, de l’accès aux services de droit commun, en contrariété avec les règles de droit, notamment issues du droit international ;

D’une part, cela dévaloriserait celles et ceux qui ont été formés et qui construisent des projets, des dispositifs, des outils spécifiques à leur secteur (logement, accompagnement social…)

10 – Conclusion

Le Défenseur des droits présente de façon très claire le rôle et la mission du MJPM et donc l’accompagnement qu’il réalise dans le cadre d’une mesure de protection (avis du 10 janvier 2019 – doc. n°14) :

« A l’heure où les sociétés occidentales sont confrontées à un phénomène structurel de vieillissement démographique, la possibilité pour les majeurs vulnérables de décider pour eux-mêmes, aspect le plus essentiel de la concrétisation du principe d’autonomie, devient un enjeu majeur au regard des droits fondamentaux : toute personne doit bénéficier du droit intangible de disposer, autant que possible, d’une réelle capacité de décision sur des choix concernant sa vie.

La mise en place de mécanismes pour assurer le respect de la volonté de la personne protégée relève de l’intérêt d’une société elle-même qui, confrontée au vieillissement, doit promouvoir et favoriser l’autonomisation des majeurs vulnérables sans pour autant méconnaître la nécessaire protection dont ils doivent bénéficier : liberté de décider pour eux-mêmes d’un côté, égalité par un accompagnement à la décision appropriée de l’autre côté ».

La mesure de protection juridique est bien le mécanisme qui assure le respect de la volonté des personnes protégées.

La mission du MJPM est bien de promouvoir et de favoriser l’autonomie des personnes protégées dans les actes de la vie civile, par un accompagnement à la prise de décision appropriée.

Bibliographie

  1. Note de positionnement de l’Unaf du 29 novembre 2022
  2. Contribution Fnat à la mission interministérielle sur la PJM – 2018 – dans les annexes au rapport de mission interministérielle de septembre 2018 (pages 221 à 243)
  3. Plaidoyer Unapei 2022-2027
  4. Note cosignée par toutes les fédérations du secteur de la PJM intitulée « Critère et définition de l’accompagnement dans la PJM » – 2018
  5. Rapport du Défenseur des droits – Protection juridique des majeurs – sept. 2016
  6. Rapport de la Cour des comptes– La protection juridique des majeurs – sept. 2016
  7. Rapport de mission interministérielle, L’évolution de la protection juridique des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables, sept. 2018
  8. Rapport d’information sur les droits fondamentaux des majeurs protégés, Assemblée Nationale, n°2075, 2019
  9. « Repères pour une réflexion éthique des MJPM », élaborés sous l’égide de la DGCS avec les fédérations du secteur (ANDP, ANMJPM, CNMJPM, FNAT, FNMJI, UNAF, UNAPEI) – août 2021
  10. Activités Clefs rédigées dans le cadre du groupe de travail Ethique sous l’égide de la DGCS
  11. Les recommandations de bonnes pratiques professionnelles sur la « Participation des personnes protégées dans la mise en œuvre des mesures de protection juridique » », ANESM, avril 2012.
  12. Note de cadrage HAS « Accompagner la personne nécessitant une mesure de protection juridique dans l’exercice de ses droits et vers un parcours de vie inclusif » – novembre 2022
  13. Référentiel d’évaluation de la qualité des ESSMS – HAS – 2022 -qui entre en vigueur en janvier 2023
  14. Avis du Défenseur des droits n°19-01 du 10 janvier 2019 sur les droits fondamentaux des majeurs protégés
  15. Nouveau dictionnaire critique d’action sociale – sous la direction de Jean-Yves Barreyre et Brigitte Bouquet, Bayard, 2009 – définition de l’accompagnement
  16. Sénat – Rapport n°212 – 2007
  17. France Compétences, « note sur les référentiels d’activités, de compétences et d’évaluation »
  18. « La protection juridique des majeurs, ce n’est pas automatique », GESTO, 2018
  19. « Référentiel relatif à la qualité de la prise en charge des personnes sous mesure de protection juridique » édité par la DRJSCS de Normandie en 2017.
  20. Guide CREAI 2022 : « Professionnels du sanitaire, du social et du médico-social, bien coopérer »,