Soutien et protection juridique des majeurs, tous concernés !

Deux décennies après les lois de 2002 sur les droits des patients et sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale, 15 ans après la loi de 2007 sur la protection juridique des majeurs et la signature de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, mais aussi 15 ans après l’adoption dans sa version définitive de la Charte européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne, la question de l’effectivité des droits des plus fragiles et des moyens réellement déployés pour soutenir l’action de leurs familles, de leurs proches, des professionnels et des bénévoles demeure largement d’actualité.

Réalités Familiales n° 138/139
Anne Caron-Déglise, Avocate générale

Réalités Familiales n° 138/139

Introduction

Anne Caron-Déglise, Avocate générale à la première chambre civile de la Cour de cassation

La proclamation des principes de respect des droits individuels et collectifs des patients et, de manière générale, des usagers des systèmes de santé, sociaux et médico-sociaux pour rééquilibrer les relations entre eux et les intervenants a été largement faite et diffusée. Les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, et de solidarité ont été posées et la place de la participation de la personne au cœur des actions a été inscrite dans tous les textes.

Cependant, dans les faits, la personne dans sa complexité et dans toute son épaisseur peine à se faire réellement reconnaître. Ses aidants naturels ou choisis s’épuisent encore trop souvent, comme nombre d’intervenants. L’effectivité des droits individuels, de la démocratie sanitaire et de la démocratie médico-sociale ne s’installe pas faute de réelle volonté politique de construire enfin une politique publique ambitieuse et cohérente articulant les actions de l’État et des territoires. L’épreuve de la Covid-19, qui a mis entre parenthèses nombre de droits personnels et fondamentaux, a été significative et doit nous interroger profondément. Tout comme le renoncement, pour l’instant en tout cas, à un véritable débat de société sur l’autonomie et l’accompagnement des personnes les plus vulnérables.

« Nous avons sans aucun doute besoin des valeurs et d’un langage commun dont les droits de l’Homme constituent l’une des formes les plus visibles »

À l’heure où nombre de citoyens ne se sentent plus suffisamment entendus et réellement compris dans ce qu’ils vivent au quotidien, nous avons sans aucun doute besoin des valeurs et d’un langage commun dont les droits de l’Homme constituent l’une des formes les plus visibles. C’est cette approche et l’attention à l’autre qu’elle induit qui donnent du sens aux actions. C’est en tout cas sur ce socle partagé que peut être progressivement construit, à partir d’une évaluation rigoureuse, multidimensionnelle, dynamique et pluridisciplinaire, et d’un questionnement éthique permanent, un accompagnement global respectueux des besoins et des capacités de la personne dans lequel s’insère la protection juridique. C’est aussi ce qui permettra de partager ensuite la responsabilité de l’action.

Désormais, ce sont donc des engagements concrets qui sont attendus à l’égard des millions de personnes concernées directement par le handicap, les troubles cognitifs associés au vieillissement ou encore les troubles psychiques. C’est une politique publique transversale réunissant les solidarités, la santé, la justice et l’objectif de bientraitance, qui doit être engagée d’urgence en capitalisant sur les nombreux travaux des acteurs. Nous sommes tous concernés aux côtés des personnes, des familles, des aidants et des professionnels, dont le rôle majeur doit enfin reconnu à sa juste place.