Revue Recherches Familiales

Dossier thématique : « À l’interaction du géographique et du social : la famille (im)mobile »

Ce nouveau numéro de Recherches familiales présente neuf articles réunis dans un dossier thématique intitulé « À l’interaction du géographique et du social : la famille (im)mobile », un article portant sur la pauvreté, la transcription d’une conférence débat « Université des familles » sur le thème « Famille et distinction de sexe : une approche relationnelle », trois notes de lecture critique avec la réponse des auteurs et huit notes de lecture sur des ouvrages qui viennent de paraître.

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Recherches familiales n°6

Sommaire

Les articles de ce numéro sont disponibles sur le portail documentaire de l’UNAF.

Travaux

Pauvreté, précarité économique et vie familiale. Quelques éléments de réflexion issus des résultats d’une enquête locale, Sandrine Eme, Alexandre Pagès

Autour d’un livre

Lecture critique

Vient de paraître

Présentation des auteurs

Appel à contribution


Introduction « À l’interaction du géographique et du social : la famille (im)mobile »

Gilles Séraphin

Ce nouveau numéro de Recherches familiales présente neuf articles réunis dans un dossier thématique intitulé « À l’interaction du géographique et du social : la famille (im)mobile », un article portant sur la pauvreté, la transcription d’une conférence débat « Université des familles » sur le thème « Famille et distinction de sexe : une approche relationnelle », trois notes de lecture critique avec la réponse des auteurs et huit notes de lecture sur des ouvrages qui viennent de paraître.

Dans le dossier thématique, il est étudié les causes et les conséquences d’une mobilité géographique, de l’ensemble de la famille ou de l’un de ses membres, sur la vie familiale, sociale et personnelle de l’entité familiale et/ou de chacun de ses membres.

Adoptons une approche chronologique pour la présentation de ces articles, en résumant tout d’abord ceux qui portent sur le sujet de l’arrivée de l’enfant, que ce soit par une naissance ou par un regroupement familial.

Dans un cas, un événement ou un projet familial (naissance ou regroupement) provoque une mobilité géographique ou des modifications de l’habitat ; dans l’autre, une mobilité géographique modifie la structure familiale. Claire Kersuzan (« Changement de logement et naissance des enfants ») dresse un panorama statistique en étudiant les évolutions de la vie familiale et les différentes formes de mobilité dans l’hébergement qui lui sont associées. Elle s’intéresse plus particulièrement à la façon dont s’articulent les choix résidentiels et matériels et les transformations de la famille lors d’une étape décisive du cycle de vie, l’arrivée des enfants. Elle décrit une séquence allant de la naissance du premier enfant simultanément liée au déménagement vers un grand logement, le plus souvent au sein du parc locatif, à l’agrandissement de la descendance, intervenant plus fréquemment dans le cadre d’une accession à la propriété. Maximale lorsque l’emménagement a lieu dans le parc locatif social, la simultanéité des événements familiaux et résidentiels est fortement affectée par les conditions d’attribution de ces logements, par les caractéristiques sociales des occupants ainsi que par la répartition de l’activité au sein du couple.

Laurence Faure se fonde sur une enquête plus qualitative portant sur les « classes moyennes supérieures anglaises » (« Quand les enfants naissent. Choix résidentiels, transformations de l’espace domestique et redéfinition de la conjugalité chez les classes moyennes supérieures anglaises »). Avec une méthode et une population étudiée différentes, ses analyses rejoignent celles de Claire Kersuzan. Elle montre comment l’inscription du couple anglais dans un projet de vie familial conduit à des choix résidentiels souvent associés à l’accession à la propriété, mais aussi comment une fois les enfants nés, et ce, qu’il y ait eu ou non mobilité, le couple compose avec l’espace et opère des choix en matière d’installation et d’aménagements matériels. Elle élargit toutefois l’analyse en distinguant la façon dont l’ensemble de ces décisions, résidentielles et matérielles, sont des éléments contribuant au processus de redéfinition de la conjugalité et de construction de la parentalité. L’espace domestique et le familial sont ainsi lus dans leurs interactions étroites, dont la définition de la notion de « foyer », à la fois lieu de vie et famille, illustre la relation d’interdépendance et de co-construction.

Xavier Thierry et Tatiana Eremenko (« L’immigration en France des enfants nés à l’étranger ») abordent une autre forme d’arrivée de l’enfant, puisque leur article traite du déroulement du parcours génésique et migratoire des couples d’immigrés résidant en France. Ils relèvent que l’ordre des deux événements (migrations et mariage des conjoints) a un impact sur le pays de naissance des fratries d’enfants, ces naissances intervenant exclusivement en France, à l’étranger ou bien dans l’un et l’autre des espaces. Un tiers des parents a eu des enfants dans deux contextes nationaux différents. Les enfants nés à l’étranger arrivent de plus en plus âgés, après 10 ans, et la venue des garçons est préférée à celle des filles. Leur venue est souvent concomitante à celle de leur(s) parent(s) : trois fois sur quatre, ils sont arrivés en même temps que leur mère.

Ensuite, nous étudierons l’interaction entre mobilité géographique professionnelle et vie familiale, la première ayant des conséquences fortes sur la seconde, mais la seconde étant conditionnée également par la première, en abordant plus particulièrement la question sous l’angle du genre ou dans un contexte non français, la Suisse en l’occurrence.

Estelle Bonnet et Beate Collet (« Les familles face à la mobilité pour raisons professionnelles : des logiques de genre bien différenciées ») analysent les mobilités géographiques pour raisons professionnelles et la manière dont elles prennent place au sein de la sphère conjugale et familiale.
Elles s’intéressent aux différentes formes de mobilité existantes, à leur appartenance sexuée et aux interactions entre la carrière professionnelle et la sphère familiale. Ces recherches interrogent les arrangements auxquels la mobilité donne lieu au sein du couple. Elles laissent entrevoir des évolutions différentes de la carrière professionnelle pour les femmes et les hommes en lien avec la vie conjugale et/ou familiale. Elles montrent que, quel que soit le mobile au sein du couple, la mobilité géographique au travail n’échappe pas à des logiques de genre.

Dans un autre contexte, la Suisse, Gil Viry, Vincent Kaufmann et Eric D. Widmer (« La grande mobilité géographique pour des raisons professionnelles en Suisse : une étape de vie préparentale ? ») partagent une analyse similaire. Ils partent tout d’abord du constat que, le phénomène étant encore marginal il y a quelques décennies, les pratiques de grande mobilité géographique liées au travail concernent une part de plus en plus importante des personnes en Suisse et plus généralement en Europe. À partir de données représentatives des personnes âgées entre 25 à 54 ans vivant en Suisse, leur étude cherche à établir à quelles étapes du parcours familial interviennent différentes formes de grande mobilité spatiale pour des raisons professionnelles. Elle montre que ces pratiques d’hypermobilité sont davantage associées à des individus qui ne sont pas entrés dans la parentalité, plutôt qu’elles ne représentent un moyen de réduire les tensions entre vie parentale et exigences du marché de l’emploi pour les familles. En outre, et leurs interrogations sont, sur ce point, proches de celles d’Estelle Bonnet et Beate Collet, leur enquête analyse également la division du travail entre les deux conjoints lorsque l’un des membres de la famille, généralement l’homme, est mobile. Elles précisent dans quelle mesure les structures sociales et économiques suisses contribuent ainsi à renforcer des inégalités de genre.

Une mobilité contrainte spécifique, l’incarcération, sera aussi traitée dans ce dossier. Caroline Touraut (« Entre détenu figé et proches en mouvement. “L’expérience carcérale élargie” : une épreuve de mobilité ») montre comment l’emprisonnement d’un individu confronte ses proches à une double mobilité géographique et familiale. D’abord, ils effectuent des trajets fréquents pour visiter le détenu. Or, ces déplacements représentent une charge financière élevée et leurs coûts temporels portent atteinte à la sociabilité des proches. De plus, les dommages collatéraux de l’incarcération peuvent les obliger à déménager. Ces mobilités géographiques imposées fragilisent leur structure familiale et perturbent son fonctionnement. Les liens peuvent s’altérer, voire se rompre, au regard des coûts des trajets domicile-prison. En outre, si la découverte de nouvelles compétences valorise les femmes, l’expérience renforce leur inscription dans des rôles familiaux traditionnels.

Puis, nous aborderons la mobilité des couples retraités, cette évolution professionnelle ayant de grandes conséquences sur les lieux de vie, et, par ce biais, sur des habitudes de vie telles que l’alimentation.
Magali Pierre et Jim Ogg (« Les projets résidentiels des Parisiens pour la retraite : une façon de ménager le lien familial ») analysent le poids des trajectoires et configurations familiales (divorces, recompositions, grand-parentalité, etc.) au moment des décisions résidentielles qu’occasionne la retraite. Prenant appui sur les récits de vie d’une trentaine de personnes appartenant aux générations nées entre 1945 et 1954 résidant actuellement à Paris et dans sa proche banlieue, ils constatent que ne plus être soumis à la nécessité de l’accès à un emploi ne signifie pas pour autant que l’avenir résidentiel soit ouvert à tous les possibles. Cet article analyse la part de la famille dans les différents projets résidentiels pour la retraite, qu’il s’agisse d’ancrage local, de mobilité ou d’alternance résidentielle.

À partir de l’étude de la mobilité résidentielle de couples de retraités ayant emménagé dans une commune du littoral finistérien, Philippe Cardon (« Les effets de la mobilité résidentielle des retraités sur leur alimentation ») interroge les transformations de leurs habitudes alimentaires. Ces générations ont été habituées à consommer principalement des produits frais et peu de produits préparés. Or, la mobilité résidentielle modifie l’organisation de l’approvisionnement alimentaire qui a un impact sur les produits consommés. Les transformations observées renvoient alors à deux types de mobilité résidentielle (mobilité sous contrainte, mobilité élective) qui mettent en jeu des inégalités sociales de santé (classes populaires versus classes moyennes/supérieures), relatives notamment à la mobilité/immobilité physique.

Enfin, nous dépasserons le cadre d’une génération, pour, dans un contexte précis, la Petite Sibérie française, autrement dit le Val de Mouthe jurassien, étudier le cas des mobilités générationnelles, non seulement sur le plan social et professionnel, mais aussi sur le plan de l’attachement à un territoire. Christophe Hanus (« Être migrant, être sédentaire dans la petite Sibérie française : une affaire de lignées familiales ? »), décrit le processus qui conduit certains individus à migrer et d’autres à rester proches du lieu où une partie voire la totalité de leurs aïeux a vécu. En réalisant des arbres généalogiques sur trois générations – qui prennent en compte aussi bien la lignée maternelle que la lignée paternelle des parents d’Ego – l’auteur constate qu’au-delà des facteurs macrosociologiques et des discours des interviewés insistant sur leur liberté de mouvement, la concurrence entre les lignées dont ils sont les héritiers peut être prééminente dans le déroulement de leur parcours résidentiel et orienter durablement leur choix. C’est notamment le cas quand la transmission du patrimoine constitue un enjeu essentiel pour l’une des branches familiales.

Ainsi, les évolutions de la vie familiale sont très fortement liées à la mobilité géographique, soit parce qu’un événement familial (exemples : naissance, retraite…) provoque des modifications en termes d’habitat et de localisation, soit parce qu’une mobilité de l’un des membres (pour des raisons professionnelles par exemple) influe très fortement sur le fonctionnement et les positions de chacun au sein de la famille. En outre, sur l’ensemble de plusieurs générations, une reproduction ou une mobilité sociale s’inscrit également dans un territoire. Plus qu’une liaison entre « famille » et « mobilité », ce dossier illustre ainsi qu’une famille est, en soi, un lieu, une localisation, de l’ensemble du groupe familial et de chacun de ses membres. La famille prend corps, s’inscrit, se reproduit et se délite dans un espace.

Ce numéro contient également un article hors thème, dont le sujet est, malheureusement, plus fortement d’actualité en ce début d’année 2009, marqué par la « crise ». Sandrine Eme et Alexandre Pages (« Pauvreté, précarité économique et vie familiale. Quelques éléments de réflexion issus des résultats d’une enquête locale »), en s’appuyant sur les résultats d’une étude conduite par l’Observatoire des familles de Haute-Saône, auprès de ménages disposant de faibles ressources, repèrent plusieurs figures de pauvreté et examinent les effets de la précarité économique sur la vie familiale. Ils suggèrent de nuancer les propos souvent tenus sur les transformations de la famille contemporaine : alors que l’on insiste généralement sur l’instabilité des liens familiaux, les plus pauvres sont installés dans une situation durable et, malgré leurs difficultés matérielles, ils estiment que ces difficultés n’ont pas forcément de réelles incidences sur les relations conjugales et l’éducation de leurs enfants. Dans cette région à dominante rurale, ils reconnaissent que pour ne pas s’endetter, ils doivent effectuer des arbitrages en restreignant les dépenses affectées aux postes de consommation les plus courants.

Ce numéro se clôt par la retranscription d’une conférence portant sur le thème de « Famille et distinction de sexe : une approche relationnelle » (Irène Théry en intervenante et Béatrice Lecestre-Rollier et Michel Messu en discutants), huit notes de lecture d’ouvrages qui viennent de paraître ainsi que trois notes de lecture critiques suivies d’une réponse de l’auteur.

Les numéros précédents

Expertise

Le numéro 21 de la revue «Recherches Familiales» de l’Unaf vient de paraître, intitulé «Frères et sœurs ».

Recherches familiales n 20
Expertise

Le numéro 20 de la revue «Recherches Familiales» de l’Unaf vient de paraître, intitulé «Recherches Familiales fête ses 20 ans : Regards interdisciplinaires sur la famille».

Numéro 19 de la revue Recherches Familiales : Familles et professionnel.le.s
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Le numéro 19 de la revue Recherches Familiales de l’Unaf vient de paraître, intitulé «Familles et professionnel.le.s».