Familles et logement : des convergences d’objectifs sur des enjeux communs

La qualité de vie dans le logement social requiert une certaine articulation entre la politique de la famille et la politique du logement.

Réalités Familiales n°98/99
Le logement, une question familiale

Par Alain Cacheux, Président de la Fédération nationale des Offices
publics de l’habitat
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La qualité de vie dans le logement social requiert une certaine articulation entre la politique de la famille et la politique du logement. L’occupation des logements HLM est largement une occupation familiale, mais les demandes des familles sont multiformes. Les réponses passent par les caractéristiques des logements (taille et qualité), leur prix (loyers et charges, aides personnelles) et les services éventuels d’aide aux familles en difficulté (accompagnement social).
Elles doivent intégrer les besoins liés aux évolutions de la vie : décohabitation des jeunes et recherche d’emploi, maintien dans le logement avec le vieillissement, parcours résidentiels selon la composition de la famille, solutions pour la mobilité professionnelle. Elles sont mises au défi des changements dans les comportements sociaux avec les recompositions familiales et les familles monoparentales.

Les HLM et des familles en pleine mutation

Le logement HLM a été traditionnellement conçu comme un logement familial, au sens traditionnel de la famille. Il doit principalement demeurer un logement pour les familles, alors que le modèle de la famille n’est plus totalement le même et que la vie fait appel à des solidarités, au sein de la famille comme entre les générations. Mais il doit aussi assumer les demandes des personnes isolées, jeunes (étudiants, jeunes travailleurs) et personnes vieillissantes, pour lesquelles les solutions de logement sont souvent des réponses à des besoins familiaux.

En réalité, la notion de logement familial renvoie aujourd’hui à tout autre chose qu’à la composition du ménage au sens statistique. En effet, les ménages occupant les logements locatifs des Offices sont pour 42 % des ménages avec enfants et près de la moitié de ces ménages sont des familles monoparentales (19,4 % des ménages logés en OPH). Par ailleurs, les ménages constitués de couples sans enfant représentent 22,7 % des ménages logés dans les Offices et ceux composés d’une seule personne (isolés) près de 40 %. Dans les faits, toutes ces situations sont plus ou moins concernées par une politique de la famille. Il est donc pratiquement devenu nécessaire aujourd’hui de rapprocher socialement, au moins pour partie, politique du logement et politique de la famille, que l’on distingue statistiquement au regard des dispositifs spécialisés de chaque politique pour des publics ciblés.
J’en déduis que, pour établir des relations plus étroites entre ces deux politiques, il est utile que nos organisations nationales se rencontrent et qu’elles échangent sur leurs objectifs et sur les attentes des familles telles qu’elles les vivent, chacune pour leurs responsabilités.

L’intérêt que l’UNAF porte aux familles la conduit à examiner avec une attention particulière la situation des familles qui vont mal. Au regard du logement, c’est notamment la nécessité d’accompagner les plus fragiles par des dispositifs de la politique de la famille (tutelles, familles gouvernantes, solidarités inter-familles) pour permettre le maintien dans le logement en cas de grave difficulté. En ce qui les concerne, les HLM doivent porter leurs efforts sur les ménages les plus touchés sur le plan économique et social, et les conséquences que ces difficultés entraînent sur le plan familial. Il faut avoir une gestion humaine du logement dans les dispositifs de la gestion locative : paiement des loyers, parcours dans le parc social pour faciliter les rapprochements ou adapter le logement aux évolutions familiales et aux aléas de la vie (personnes handicapées), d’abord pour ceux qui ont le plus de mal à s’insérer et à se maintenir dans le logement et globalement pour créer les meilleures conditions d’une bonne qualité de vie pour tous.

Les plus grandes difficultés d’adaptation concernent l’adéquation entre la taille et le prix des logements avec les situations familiales. On manque de grands logements pour les familles qui se recomposent et à l’inverse on ne peut pas diviser les logements lors du départ des enfants. Les solutions de mutation se heurtent forcément à la structure du parc et à la répartition des logements : dans les zones de forte pression de la demande, la qualité de vie s’en ressent. Sur le plan financier, les moins bien lotis sont souvent les familles monoparentales dont les enfants sont moins bien logés que les autres : ils ont moins de possibilité d’avoir leur propre chambre. Selon l’INSEE, le surpeuplement dans le logement concerne 14 % des enfants vivant en famille recomposée et 20 % des enfants en famille monoparentale.

Mieux connaître et gérer les besoins des familles

A vrai dire, les organismes d’HLM n’ont pas toujours une bonne connaissance de la situation des familles avant que ne se produisent des situations de crise : (surpeuplement, impayés, poursuites…) Les Offices font de réels efforts mais il ne sera pas possible d’anticiper ni de s’adapter à toutes les évolutions des familles, car elles sont plus rapides et plus réversibles que les adaptations du parc de logements. Il paraît certain, toutefois, qu’il faudrait imaginer de développer l’offre de logements de grande taille dans les secteurs les plus urbanisés où les familles recomposées sont souvent amenées à choisir le surpeuplement plutôt que l’éloignement. Il parait nécessaire également, pour accompagner l’allongement de la durée de la vie, de pouvoir disposer ou d’aménager dans le parc existant une offre de petits logements en milieu urbain qui favoriserait les solutions de maintien à domicile.
Tout cela fait appel à la nécessité d’avoir une volonté politique d’améliorer les rapports entre le logement et les familles. Il faut bien reconnaître qu’une telle volonté de rapprochement n’a pas été très perceptible jusqu’ici, alors qu’il y a cependant des volontés de travailler ici et là à l’amélioration de la vie des familles. Mais les logiques de ces politiques demeurent séparées : celle du logement social se fait sous conditions de ressources, pas celle de la famille ; et les contraintes financières de la politique du logement ne sont pas transférables sur celle de la famille. Tout au moins peut-on affirmer deux grandes idées que les deux politiques peuvent défendre ensemble.

D’abord la nécessité de maintenir et de conforter une politique forte des aides personnelles au logement. Pour les uns, ce sont des aides aux familles sous conditions de ressources, pour les autres, des aides au logement selon le taux d’effort des occupants. Il faut assurer la pérennité du dispositif national des aides personnelles, de même que l’on ne pourrait pas imaginer territorialiser les allocations familiales : c’est à l’État d’organiser les conditions du financement du dispositif et de garantir, à ce titre, l’égalité d’accès selon des conditions objectives qui, finalement, sont celles de la part de la dépense logement dans un niveau de vie décent des familles.

D’autre part, il faut sans doute ouvrir la recherche de solutions adaptées pour les rapports entre le logement et la situation familiale selon les étapes de la vie. Il est rare que le premier logement, celui des études ou celui d’un premier emploi, soit un logement définitif ou tout au moins de très longue durée. Des solutions complémentaires à celles du parc HLM peuvent être trouvées dans le parc privé, par les bailleurs sociaux qui apporteraient la garantie de leur gestion à loyer modéré. A ce titre, l’idée de l’usufruit locatif social mérite sans doute d’être explorée, avec des formules de contrats d’occupation temporaire (la durée des études ou celle d’un bail de première embauche à définir) non grevés d’une obligation de relogement, ce qui n’interdirait pas l’accès au parc social sous conditions de ressources.

Dans l’autre partie de la vie, on pourrait favoriser le maintien des personnes dans le logement social en développant l’idée du logement avec services, par un partenariat à construire avec des associations spécialisées pour le maintien à domicile et financées avec les dispositifs de solidarité existants. Au regard de certaines propositions visant à autoriser les HLM à acquérir des logements en viager dans le secteur privé, on pourrait utiliser ce procédé pour offrir le rachat, par l’organisme, aux locataires devenus propriétaires de leur logement en HLM. Au fond, nous sommes déterminés à ne pas faire de concession aux conditions de la gestion sociale mais nous n’avons sans doute pas exploré toutes les pistes possibles. Peut-être faudrait-il que la sécurité juridique de pistes innovantes nous soit définie dans un texte à proposer aux pouvoirs publics. Si nous rencontrions une volonté politique dans ce sens, je souhaiterais que la Fédération des Offices et le Mouvement HLM puissent y travailler avec l’UNAF.

Des opportunités d’approfondir les relations dans les Offices

Nous avons des habitudes de travail ensemble, en tous cas dans les Offices, puisque les UDAF sont présentes dans tous les conseils d’administration des 271 OPH. Nous avons tenu à la représentation institutionnelle de ce partenariat dans les Offices parce que ce partenariat a du sens. Il signifie pour nous la rencontre des préoccupations de la gestion des HLM avec le point de vue des locataires dont certaines associations sont membres de l’UNAF et, au-delà, avec les préoccupations pour le logement dans la vie familiale telles que les défend le mouvement des familles.
L’accès au logement est difficile, les difficultés de paiement de loyer sont permanentes, l’attribution d’un logement social est un enjeu de premier ordre pour beaucoup de familles, la plupart estiment que leurs enfants auront besoin des HLM dans l’avenir : toutes ces préoccupations doivent être prises en considération dans les rapports entre les bailleurs et les familles locataires parce qu’elles conditionnent la qualité des relations dans l’habitat et celle des conditions de vie.

Je pense qu’il est important que les relations de confiance se nouent dans les Offices et que ces relations transpirent dans les rapports que nous devons avoir entre nos institutions au niveau national. Nous avons été d’accord, lors des travaux préparatoires à l’ordonnance de février 2007 qui a créé le statut actuel des Offices publics de l’habitat pour assurer la présence des UDAF dans les Offices. Le Président de l’UNAF avait exprimé cette attente devant le Conseil fédéral des Offices qui a soutenu cette volonté de pérennisation des rapports avec les Offices. Nous avons à mieux connaître et faire connaître les pratiques des coopérations entre les UDAF et les Offices pour
aller ensemble vers les nouvelles orientations que l’on annonce, afin de développer l’offre de logements sociaux et de traduire, le plus tôt possible, ces volontés en réponses concrètes pour le logement social et les familles. ■