Prendre soin de l’enfant permet de soutenir et d’accompagner sa famille

Avec l’initiative Ville amie des enfants, UNICEF France mène, depuis 19 ans maintenant, un partenariat avec les collectivités locales. 19 ans pour faire connaître les droits de l’enfant, les faire reconnaître, les faire appliquer à tous les niveaux de la collectivité, par les élus, les agents, l’ensemble des acteurs éducatifs au sein desquels comptent les familles, et bien évidemment par les enfants et les jeunes eux-mêmes.

n°134 135 Familles et territoires
RF 134-135 Julie Zerlauth

Réalités Familiales n° 134/135

par Julie Zerlauth, Reponsable Plaidoyer et Sensibilisation, UNICEF France

Ce réseau Ville amie des enfants UNICEF existe dans le monde entier et repose sur des principes partagés qui doivent avoir un impact direct : faire grandir les enfants dans des villes saines, sûres, connectées et inclusives, proposer des services pour toutes et tous sans aucune discrimination, permettre et favoriser le développement des enfants (notamment leur santé, leur éducation, leur bien-être, leur sécurité en fonction de leurs besoins spécifiques), favoriser la rencontre avec l’art et la culture ou encore de proposer un aménagement urbain adapté (mobilité pour toutes et tous, accès à des environnements naturels, à des espaces ouverts et de loisirs).

En France, à chaque mandat municipal, les cartes sont rebattues et les titres remis en jeu. Pour ce mandat 2020/2026, les villes qui souhaitent intégrer le réseau Ville amie des enfants doivent adopter un plan d’action municipal pour l’enfance et la jeunesse fondé sur cinq engagements. Cinq engagements qui sont une traduction des droits ancrés dans la Convention internationale des droits de l’enfant pour affirmer que le bien-être, la protection, l’éducation, la participation et le respect de chaque enfant et chaque jeune sont au cœur du projet politique de la collectivité. L’objectif à long terme est de garantir des résultats durables notamment grâce au renforcement des capacités de l’ensemble des acteurs du territoire, et donc des parents. Mais comment cela se traduit-il concrètement ?

Le bien-être de l’enfant et de sa famille

Les initiatives repérées et encouragées au sein des Villes amies des enfants sont la traduction du rôle que peut jouer une collectivité dans l’équilibre et le développement de l’enfant, en lien direct avec ses proches. Les moyens d’agir sont multiples. Alimentation, santé, lutte contre les violences, facilité d’accès aux services publics sont autant de thématiques qui peuvent être portées par la ville à la mesure de ses priorités politiques et budgétaire. Une action isolée ne saurait être suffisante et avoir un impact durable sur un territoire. La prise de conscience est collective et doit embarquer l’ensemble des acteurs du territoire vers une vision commune de l’enfance et de la jeunesse.

Les quelques actions qui suivent ne sauraient représenter l’intégralité de la richesse du réseau Ville amie des enfants mais elles donnent le sens de la pertinence, de la créativité et de la diversité de ces initiatives.

Parentalité, santé, prévention et cadre de vie

Une Ville amie des enfants envisage le cadre de vie comme une composante essentielle du bien-être de l’enfant. Ce cadre fait référence à l’environnement physique mais aussi émotionnel et social de l’enfant et de sa famille. Aussi, de nombreux exemples d’initiatives associent directement les parents au sein de structures formelles d’accueil parents/enfants. Les programmations de cafés rencontres, point info famille, point écoute jeune, médiation école-famille, médiation familiale, etc. sont désormais relativement courants. Souvent, ces actions se spécialisent en fonction des besoins spécifiques d’un territoire ou d’un problème de santé publique comme le décrochage scolaire, l’obésité enfantine ou le malaise adolescent et peuvent se consolider par des axes forts de travail partenarial sur plusieurs années (contrats locaux de santé, de santé mentale, plan local de sécurité et de prévention de la délinquance).

Quelquefois, ces démarches peuvent être plus diffuses et s’organiser hors les murs. La collectivité peut, par exemple, faire le choix de rendre l’enfant prescripteur auprès de ses parents avec des journées de sensibilisation à l’hygiène ou à l’équilibre alimentaire en centre de loisirs, à l’école, au collège.

Dans le Sud-Ouest, une ville de 4 000 habitants a mis en place l’opération « mon premier vélo ». Les enfants de maternelle se voient mettre à disposition un vélo par la commune. Les familles doivent simplement restituer le vélo aux 6 ans de l’enfant, quel que soit son état. Cette pratique de l’encouragement à l’utilisation du vélo est fréquente au sein des villes qui peuvent aussi contribuer à leur achat par les familles grâce à des subventions ou par des prêts aux établissements scolaires.

Dans le Sud encore, une ville de 35 000 habitants a fait le choix d’un projet visant à améliorer le cadre de vie des enfants en les faisant devenir acteurs de leurs cours d’école grâce à la création d’espaces de nature mutualisés et exploitables sur les temps scolaires, périscolaires et extrascolaires. Là encore, les familles et la communauté éducative sont intégrées dans la dynamique du projet.

La non-discrimination, une façon de soulager les familles les plus vulnérables

Au sein du réseau Ville amie des enfants, UNICEF travaille également avec les collectivités à rendre les services publics accessibles à tous les enfants et notamment aux plus vulnérables d’entre eux. Les barrières géographiques, physiques, tarifaires ou simplement administratives doivent pouvoir être levées une à une pour que chaque famille du territoire puisse confier son enfant pour le faire garder, le faire soigner, lui faire faire de la musique, du sport ou tout simplement pour qu’il soit scolarisé.

Gratuité des accueils du matin dans toutes les écoles maternelles et élémentaires pour l’ensemble des familles, tickets sport, des tickets culture, aides au financement du permis de conduire, tarification des repas en lien avec les revenus des familles avec un prix plancher extrêmement bas pour les plus fragiles, les exemples sont multiples.

La gratuité et l’existence du service ne faisant pas l’accès, il est souvent nécessaire que ces démarches s’accompagnent d’un processus d’aller-vers pour encourager leurs utilisations.
Il faut aussi savoir adapter ses services aux besoins des familles, à l’image de cette ville de 3 000 habitants dans l’Est qui transforme sa crèche en halte-garderie pour répondre notamment à la demande des mamans seules à la recherche d’un emploi, en formation ou avec des horaires atypiques. Dans le Centre, une ville de 11 000 habitants a fait le choix de créer la maison du répit pour les enfants porteurs de handicap. Les choix politiques ont, là, un véritable impact sur la vie de famille.

L’éducation familiale au cœur de la continuité éducative

En mettant en place une politique éducative ambitieuse, la ville devient un acteur de l’égalité des chances et ses actions doivent permettre de compléter et de soutenir l’action de l’école et celle des familles.

Le tout dernier rapport de la 5ème Consultation nationale d’UNICEF France le confirme, en matière d’apprentissages, les frontières entre l’école et le reste de la société restent floues. Plus de 25 300 enfants et jeunes se sont livrés et le confirment, ils apprennent chez eux, avec leurs amis, leurs animateurs, sur Internet. Il est ainsi nécessaire que chacune de ces sphères assure ce rôle éducatif avec les meilleurs outils, les approches les plus adaptées à l’enfant et à ses besoins actuels et futurs. Ces enfants livrent par ailleurs un constat effrayant, ils ont peur de ne pas réussir à l’école, ils ont peur de l’avenir, et pour avancer vers l’âge adulte ils comptent sur de nombreux acteurs, et avant tout sur leur famille. Seul un enfant sur deux estime que l’école lui apprend vraiment des choses pour plus tard alors qu’ils sont 85,2 % des enfants à valoriser le milieu familial en matière d’apprentissage. Comme le démontre l’analyse de cette Consultation nationale, ajouté à un environnement propice, l’accompagnement familial favorise donc les nouveaux apprentissages mais qu’en est-il quand toutes les conditions ne sont pas réunies ? L’importance grandissante du rôle de l’accompagnement familial creuse fortement les inégalités, particulièrement pour les élèves issus de milieux populaires. Les privations, quelles qu’elles soient, ont un impact négatif sur ce que les enfants et les jeunes déclarent apprendre et sur leurs conditions d’apprentissage. Elles pèsent davantage sur l’éducation à la maison que sur l’éducation à l’école.

L’ensemble des collectivités doit s’interroger dès aujourd’hui sur la manière de prendre en compte et d’anticiper les besoins actuels et futurs des enfants, des jeunes et de leurs familles avant que ceux-ci ne se transforment en lacunes ou des handicaps. l

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