Expertise

Projet de loi pour le plein emploi

La Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a examiné le projet de loi pour le plein emploi du 18 au 20 septembre. Ce texte est en séance publique jusqu'au 4 octobre avec un vote solennel sur l’ensemble du projet de loi le 10 octobre 2023. Pour mémoire, l'Unaf a été auditionnée le 5 septembre 2023, à l'Assemblée nationale.

Actualité législative

Sur le fond, le présent article se concentre sur l’article 10 du projet de loi relatif à la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant et ses évolutions par rapport au texte adopté au Sénat le 11 juillet dernier après échanges avec l’AMF et l’Unaf ainsi que sur l’article 10 bis ajouté par amendement du Gouvernement pour renforcer les contrôles dans les crèches.

Détail de l’article 10 sur la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant

Les députés n’ont pas réintroduit la notion selon laquelle la politique d’accueil du jeune enfant est conduite dans le cadre d’une stratégie nationale adoptée par arrêté du ministre chargé de la famille, qui détermine notamment des priorités et objectifs nationaux pluriannuels en matière. Nous verrons toutefois plus loin que tout cadre national n’est pas absent de cette nouvelle gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant. Pour rappel, les sénateurs ont supprimé cette partie de l’article avec une double motivation :

Les communes sont reconnues dans la loi comme autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant avec 4 compétences suivantes. A noter que les députés ont précisé dans le texte que les communes sont autorités organisatrices en lien notamment avec les départements.

Toutes les communes doivent exercer les compétences de recensement, d’information et d’accompagnement des familles.

Seules les communes de plus 3 500 habitants (et non pas seulement celles plus de 10 000 habitants comme le précisait le Sénat) exercent les compétences de planification et de soutien de la qualité. Toutefois, les députés ont adopté une modération dans l’obligation de planification au travers d’un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant. Les modalités seront adaptées par voie règlementaire s’agissant des communes entre 3 500 et 10 000 habitants.

Pour l’exercice des compétences d’information et d’accompagnement des parents et de soutien de la qualité des modes d’accueil, les communes de plus de 10 000 habitants mettent en place un relais petite enfance.

Lorsque les compétences des communes en matière de petite enfance ont été transférées à l’intercommunalité (EPCI ou syndicat mixte), les députés ont adopté un amendement pour préciser qu’il ne s’agit pas de la population totale de l’ensemble des communes mais de la population totale des communes ayant transféré leurs compétences.

La partie sur les schémas pluriannuels de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune des communes a été largement remaniée par les députés en commission.

Les constantes par rapport à la version du Sénat :

Les variants entre les versions Sénat et de la Commission de l’Assemblée nationale :

S’agissant des ajustements des missions des RPE, l’article 10 a été modifié de la façon suivante :

Sur le contrôle par le comité départemental et par le préfet du respect par les communes de leurs obligations en tant qu’autorité organisatrice, les sénateurs avaient supprimé cette partie de l’article et le Gouvernement est revenu en commission à l’Assemblée nationale avec un amendement ayant l’aval de l’AMF. La Ministre des solidarités et des familles, Aurore Bergé a précisé : « Cet amendement vise à préciser la rédaction sur les modalités qui seront applicables au service public de la petite enfance et notamment dans les relations qui doivent pouvoir exister entre le comité départemental des services aux familles et les maires. C’était un des sujets majeurs de débats au Sénat. Nous avons retravaillé en particulier avec l’AMF de manière à trouver des modalités qui à la fois garantissent la meilleure disponibilité possible de l’offre de service public d’accueil de la petite enfance sans pour autant donner le sentiment aux maires que ce serait l’Etat qui reviendrait recentraliser des compétences alors même que l’on est dans un projet de loi qui vise à renforcer les compétences des maires en les mettant autorités organisatrices. Pour être rapide, l’objectif de cet amendement est d’aller sur une première étape lorsque le maire n’a pas pu, n’a pas réussi à réaliser son schéma territorial, qui consistera d’abord à proposer un temps d’échanges à l’autorité organisatrice, donc à la commune en lien avec la CAF pour des raisons évidentes puisque c’est la CAF, qui pilote par son soutien financier pour comprendre qu’elles sont les difficultés. Il s’agit d’être beaucoup plus dans une logique d’accompagnement, de soutien aux communes et non pas dans une logique de contrainte car nous avons à la fois des problèmes de recrutement qui peuvent exister, les communes ont aussi besoin d’une ingénierie. L’objectif n’est pas de venir en remplacement mais que l’Etat vienne en soutien des communes qui n’ont pas eu la capacité de faire et à agir pour garantir qu’un plan de rattrapage puisse être déployé. C’est l’objet de cet amendement là aussi retravaillé avec l’AMF. »

Cette partie de l’article 10 a été réécrite avec 9 nouveaux alinéas pour détailler cette procédure d’accompagnement des communes. Le déclenchement de cette procédure se fait par le président du comité départemental des services aux familles lorsqu’il constate, dans un délai de 3 ans à compter de la détermination des objectifs de développement quantitatif et qualitatif en matière d’offre d’accueil du jeune enfant :

Le président du comité départemental des services aux familles invite l’autorité organisatrice à exposer, en lien avec la CAF ou la MSA, les difficultés rencontrées, qui peuvent tenir notamment au montage financier ou en ingénierie de ses projets, à l’indisponibilité de foncier ou à des tensions locales de recrutement dans le secteur de la petite enfance.

Le comité départemental des services aux familles analyse les causes des difficultés rencontrées par l’autorité organisatrice et établit la liste des actions susceptibles d’être conduites en vue d’y remédier par ladite autorité, par la CAF ou la MSA ou par toute autre personne publique ou chargée d’une mission de service public. Dans ce cadre, le comité départemental des services aux familles peut demander à la CAF ou la MSA de préparer un plan de rattrapage destiné à adapter le soutien qu’il apporte à l’autorité organisatrice au regard des difficultés qu’elle rencontre. Ce plan de rattrapage, dont le contenu et les modalités d’élaboration et d’adoption sont déterminés par décret.

La liste des actions ainsi établie est arrêtée par le président du comité départemental des services aux familles, qui la transmet aux autorités intéressées, en précisant les éléments qu’il appartient à chacune d’entre elles de mettre en œuvre ainsi que le délai dont elles disposent pour le faire.

Réintroduction d’un cadre national pour l’élaboration des schémas départementaux des services aux familles pluriannuels tenant compte des objectifs de développement quantitatif et qualitatif des modes d’accueil du jeune enfant.

Si la stratégie nationale n’a pas été réintroduite par les députés en commission, un amendement de la Rapporteure vise à reconnaître des objectifs de développement quantitatif et qualitatif des modes d’accueil du jeune enfant définis dans un cadre national puisque arrêtés par le ministre chargé de la famille.

Il est clairement mentionné dans la loi que les objectifs susvisés sont arrêtés après consultation des représentants des communes et de leurs groupements, des départements, des régions, de la CNAF, de la CCMSA, de l’Unaf, du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, des représentants des professionnels concernés et des gestionnaires de structures et services concernés.

Ils font l’objet d’un suivi annuel et d’une évaluation pluriannuelle avec les représentants des acteurs mentionnés ci-dessus.

Régulation du développement des places d’accueil par l’identification de la densité de l’offre selon les territoires

Il est inséré un nouvel article L. 214-5-1 au sein du code de l’action sociale et des familles, qui prévoit que le préfet identifiera les zones du département en fonction de la densité de l’offre d’accueil du jeune enfant, afin de réguler l’ouverture de places supplémentaires.

Sur le fondement du schéma départemental des services aux familles, le préfet déterminera :

– les zones caractérisées par une offre d’accueil insuffisante ou par des difficultés dans l’accès à l’offre, pour lesquelles des dispositifs d’aide spécifiques pourront être mis en place, notamment par les organismes débiteurs des prestations familiales (CAF ou MSA) ;

– les zones caractérisées par un niveau d’offre particulièrement élevé, pour lesquelles les projets d’ouverture d’établissement ou service d’accueil du jeune enfant devront faire l’objet d’un avis favorable de la commune concernée avant la demande d’autorisation d’ouverture formulée auprès du conseil départemental.

Dispositions complémentaires pour le développement des services aux familles en matière de petite enfance

Compensation financière et entrée en vigueur.

L’accroissement des charges résultant de l’exercice obligatoire par les communes des compétences d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant sera accompagné d’une compensation financière dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales.

Enfin, les députés ont ramené au 1er janvier 2025, l’application de l’article 10 dans ses trois dispositions :

Ÿ Article 10 bis ; renforcement des contrôles dans les EAJE

Comme la Ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, s’y est engagée, le Gouvernement a présenté un amendement en commission faisant référence au rapport de l’IGAS d’avril 2023 et des deux livres récemment parus sur les dérives existant dans les crèches.

L’article 10 bis intégré au projet de loi vise à rendre concrètes plusieurs recommandations du rapport de l’IGAS. Il rend opposable des référentiels nationaux fixés déclinant la charte nationale d’accueil du jeune enfant. Afin que ces référentiels soient stables, ils seront définis par arrêté du ministre chargé de la famille. Il clarifie la procédure d’autorisation et le rôle respectif du conseil département et de l’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant dans cette procédure :

Cet article limite l’autorisation des établissements et services d’accueil de jeunes enfants à une durée de 15 ans. Cette durée a été choisie en cohérence avec la durée applicable aux établissements sociaux et médico-sociaux soumis à autorisation et avec la durée des baux commerciaux. En complément, il propose d’introduire des évaluations quinquennales, et prévoit des mesures de transparence sur les résultats de ces évaluations et la publicité d’indicateurs reflétant la qualité du service rendu (à définir par décret).

Le rôle des différents acteurs chargés du contrôle est précisé.

Le président du conseil départemental devient la principale autorité chargée du contrôle du fonctionnement des établissements et services d’accueil de jeunes enfants et de la qualité de leurs activités réalisées auprès des enfants. Il sera précisé par décret que le service départemental de protection maternelle et infantile continuera à concourir à la mise en œuvre des contrôles. L’article transfère au président du conseil départemental le pouvoir de fermeture de tous les établissements et services d’accueil de jeunes enfants.

Tirant les conséquences de la création du régime unique d’autorisation et par analogie avec le secteur des établissements sociaux et médico-sociaux, le président du conseil départemental pourra prononcer des sanctions adaptées à la gravité des faits à l’encontre des crèches privées comme publique : injonctions, astreintes, amendes distinctes de l’amende pénale prévue à l’article L. 2326‑4 du code de la santé publique,  fermetures totales ou partielles et provisoires ou définitives, désignation d’un administrateur provisoire et demander l’affichage des sanctions, fermetures totales ou partielles et provisoires ou définitives, désignation d’un administrateur provisoire et demande d’affichage des sanctions. Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application.

Le préfet interviendra en second niveau et pourra mobiliser les corps d’inspection pour réaliser les contrôles dans les établissements et services d’accueil de jeunes enfants et prononcer les mêmes sanctions que le président du conseil départemental.

La mission de contrôle financier de l’ensemble des établissements et services d’accueil de jeunes enfants par les organismes débiteurs de prestations familiales est confortée. Ce contrôle portera sur les établissements et services financés directement par les organismes débiteurs de prestations familiales mais aussi les micro-crèches recevant des enfants de parents bénéficiant de la prestation d’accueil de jeune enfant. Pour améliorer la transparence dans l’utilisation des deniers publics, et l’efficacité des contrôles, l’amendement prévoit la transmission de documents financier et comptable aux CAF et MSA. Il sera ainsi possible de comparer le respect de la réglementation et des référentiels nationaux avec les dépenses effectivement réalisées par les établissements et services, en particulier les dépenses de personnel, d’alimentation et de consommables tels que les couches.

L’article clarifie les modalités d’intervention des CAF et MSA dans le cadre du contrôle des conditions d’application de la tarification appliquée par les micro-crèches dans le cadre du versement du complément mode de garde. En effet, pour être éligible à cette aide le tarif appliqué par la crèche ne doit pas dépasser 10 € par heure d’accueil. Il prévoit de préciser par décret le périmètre de cette tarification afin d’éviter que les parents se voient facturer des coûts annexes. Par ailleurs, en cas de dépassement de ce tarif horaire, L’article propose de recouvrer les indus auprès de la micro crèche et non auprès de l’allocataire comme le prévoit la législation actuelle.

Enfin, l’article 10 bis enjoint les organismes débiteurs de prestations familiales de prévoir un régime de sanctions dans les conventions qu’elles concluent au titre des subventions qu’ils versent.

Il propose que l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales puissent également procéder à des contrôles sur les établissements et services d’accueil de jeunes enfants ainsi que les groupes auxquels ils appartiennent.

Afin d’améliorer la transparence au sein des groupes de crèches, le périmètre de contrôle de chacun des acteurs compétents est étendu à tout organisme concourant à la gestion des crèches.

Enfin, pour renforcer la coordination en matière de contrôle, il est proposé que le représentant de l’État dans le département soit chargé, en lien avec le président du conseil départemental et le directeur de la CAF, d’établir un plan annuel de contrôle, portant sur l’accueil collectif et individuel. Cette programmation permet d’inciter les acteurs à des inspections conjointes et de cadrer les modalités de transmissions d’informations entre eux. L’amendement prévoit également les modalités d’échanges d’information entre les acteurs chargés du contrôle et avec les autorités organisatrices afin que chacun dispose d’une vision d’ensemble de la situation des établissements et services.  

Afin de rendre les contrôles plus efficaces, les établissements et services d’accueil de jeunes enfants et leurs groupes transmettront chaque année aux organismes débiteurs de prestations familiales des documents de nature comptable et financière, dont la liste est fixée par décret.

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