Projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique
La Commission spéciale constituée pour examiner le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique a adopté ce texte le 21 septembre. Il viendra en séance publique du 4 au 13 octobre prochains. Pour mémoire, l'Unaf avait été auditionnée le 4 septembre 2023 à l’Assemblée nationale.
Le Sénat a déjà examiné ce projet de loi et l’a adopté le 7 juillet. La procédure accélérée ayant été déclarée par le Gouvernement, une commission mixte paritaire se réunira en suivant sur les dispositions restant en discussion entre les deux assemblées.
Sur les articles visant à la protection de l’enfance, il convient de noter les évolutions suivantes :
L’article 1er confie à l’Arcom la compétence d’élaborer un référentiel général déterminant les exigences techniques auxquelles devront répondre les systèmes de vérification d’âge mis en place pour l’accès à des sites comportant des contenus pornographiques. Pour rendre ce référentiel contraignant, l’Arcom aura un pouvoir de mise en demeure et de sanction pécuniaire à l’encontre des éditeurs de sites pornographiques ne se conformant pas à celui-ci.
Les ajouts et modifications suivants ont été faits en commission :
- C’est dans le cadre de l’article 227‑24 du code pénal que le renforcement des pouvoirs de l’Arcom s’inscrit. Dès lors, se cumuleront pour les éditeurs de sites, les obligations du code pénal (obligation de résultat) et leurs nouvelles obligations de mettre en place ledit référentiel (obligation de moyen).
En outre, afin d’assurer une meilleure protection des mineurs, l’article intègre au dispositif la possibilité pour le référentiel de prévoir le principe et les conditions de réalisation, à la charge des services, d’un audit des systèmes de vérification d’âge par des tiers indépendants disposant d’une expérience attestée. De tels audits faciliteront le contrôle et la redevabilité des systèmes de vérification d’âge en mettant à disposition du public et du régulateur des informations sur la performance des solutions mises en œuvre. Ils permettront également aux éditeurs de sites de s’appuyer sur une expertise objective, afin d’améliorer leurs systèmes de vérification d’âge.
- Il est imposé aux sites pornographiques l’affichage d’un écran noir tant que l’âge de l’internaute n’a pas été vérifié. Cet ajout s’inspire de la recommandation n° 13 du rapport sénatorial « Porno : l’enfer du décor ».
- L’Arcom rend compte chaque année au Parlement des actualisations du référentiel et des audits des systèmes de vérification de l’âge mis en œuvre par les services de communication au public en ligne.
L’article 2 transformerait la procédure judiciaire de blocage et de déréférencement des sites ne respectant pas la restriction d’accès aux mineurs en procédure administrative confiée également à l’Arcom, sous le contrôle a priori du juge administratif, après une phase contradictoire préalable auprès de l’éditeur.
Sur cet article, les évolutions suivantes sont à souligner :
- Le plafond des sanctions encourues par les éditeurs qui mettraient en place un système de contrôle de l’âge non conforme au référentiel est doublé. Cette sanction serait d’un maximum de 150 000 euros (contre 75 000 dans le texte auparavant) ou 2 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé, le plus élevé des deux montants étant retenu, ou de 300 000 euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans après une première sanction.
- Corrélativement il est prévu de doubler de cinq à dix ans la durée pendant laquelle les éditeurs de sites pornographiques, les fournisseurs de services d’accès à internet, les fournisseurs de systèmes de résolution de noms de domaine, les moteurs de recherche et les annuaires s’exposeront à un doublement de leurs sanctions s’ils réitèrent le même manquement. Cette durée est calculée à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.
- Le délai laissé aux moteurs de recherche et annuaires pour effectuer le déréférencement des services sera aligné sur celui des autres acteurs en passant de cinq jours à quarante-huit heures.
L’article 3 crée une sanction pénale applicable aux hébergeurs qui ne satisferaient pas à la demande émise par l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) de procéder au retrait en vingt-quatre heures d’un contenu en ligne d’images ou de représentations de mineurs présentant un caractère pédopornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal.
Comme le texte reste imprécis sur ce qui constitue une raison technique ou opérationnelle objectivement justifiable, et ne donne aucun recours à l’autorité administrative à la demande de le COFRADE l’article a été complété et vise à éviter toute mauvaise foi en donnant un droit de réponse à l’autorité administrative.
Un article 3 bis a été ajouté par le rapporteur, Paul Midy. Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’extension des compétences de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication – selon la procédure prévue à l’article 6‑1 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique – au retrait des contenus présentant des actes de torture et de barbarie, des traitements inhumains et dégradants, des viols et des situations d’inceste.
Deux nouveaux articles ont été insérés pour compléter le code de l’éducation précisant
- qu’ « à l’issue de l’école primaire et du collège, les élèves reçoivent une attestation certifiant qu’ils ont bénéficié d’une sensibilisation au bon usage des outils numériques et de l’intelligence artificielle, de tous types de contenus générés par ceux-ci et des réseaux sociaux ainsi qu’aux dérives et aux risques liés à ces outils et aux contenus générés par l’intelligence artificielle. »
- le dispositif de sensibilisation des élèves et leurs familles aux dangers d’une exposition précoce et non encadrée des mineurs aux écrans en général et sur internet ou les réseaux sociaux de façon plus spécifique. Une information complète et adaptée à l’âge de chaque élève doit pouvoir être donnée aux parents au début de chaque année scolaire, permettant ainsi d’associer l’ensemble des personnes concourant à l’éducation des enfants.
Trois articles ont été ajoutés sans réelle portée normative mais en lien avec l’actualité et avec les objets suivants :
- Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les actions de prévention et de sensibilisation au harcèlement et au cyberharcèlement mises en place dans les établissements scolaires.
Ce rapport évalue la possibilité de rendre annuellement obligatoire une session de sensibilisation aux enjeux de harcèlement et de cyberharcèlement dans tous les établissements scolaires.
Il évalue également la façon dont le harcèlement et le cyberharcèlement sont inclus dans la formation initiale et continue des enseignants et plus largement dans la formation de l’ensemble des personnels des établissements scolaires.
- L’État se fixe l’objectif que 80% des Français disposent d’une identité numérique au 1er janvier 2027 et près de 100% d’entre eux au 1er janvier 2030.
- Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur sa capacité à généraliser l’identité numérique pour les Français et les actions et modifications législatives nécessaires pour mettre en œuvre cette généralisation.
L’article 4 A inséré en séance publique au Sénat impose aux éditeurs de sites pornographiques de faire apparaître, avant la diffusion de tout contenu comportant la simulation d’un viol, d’une agression sexuelle ou d’une infraction commise, un message alertant le consommateur sur le caractère illégal des comportements ainsi représentés. Cet article a reçu deux compléments :
- un bandeau doit être visible sur chacun de ces contenus pour préciser le caractère illégal des comportements simulés et les sanctions pénales associées à ces comportements tout au long du visionnage ;
- le contenu et les modalités de présentation du message d’avertissement sont précisés par un décret après avis de l’Arcom.
L’article 5 crée une peine complémentaire de blocage du compte d’accès aux plateformes en ligne d’une personne condamnée lorsque ce compte a été utilisé pour la commission de plusieurs délits (harcèlement sexuel, par conjoint ou scolaire ; certains délits portant atteinte à l’ordre public ou à l’intégrité de la personne ; délits de presse graves…) et à sanctionner d’une amende le non-respect, par les plateformes, de cette condamnation.
Sur cet article, la commission spéciale de l’Assemblée nationale a restreint le champ du dispositif en supprimant la mention de l’article 225-10 du code pénal, qui punit la gestion, l’exploitation, la direction et le financement d’un établissement de prostitution au motif que le lien de ce délit avec les plateformes numériques serait plus distant. De la même façon, a été supprimée la mention de l’article 227‑4-2 du code pénal, qui concerne la violation par une personne des interdictions dans une ordonnance de protection au motif qu’elles ne concernent pas les plateformes en ligne.
De façon plus surprenante, l’application de la peine complémentaire concernant les délits de chantage a été retirée. La motivation de cette suppression étant qu’il est rarement fait la publicité d’un chantage sur les réseaux sociaux, ce sont plutôt les messageries privées qui sont utilisées à cet effet. Il n’apparaît donc pas indispensable de donner au juge un outil supplémentaire de bannissement des réseaux sociaux.
A l’inverse, la possibilité pour le juge de prononcer une peine complémentaire de bannissement temporaire des réseaux sociaux a été étendue aux cas de délits constitutifs d’injure ou de diffamation à caractère discriminatoire afin de renforcer l’efficacité d’une telle mesure dans la prévention de la récidive. L’article a été étendu aux entraves à l’avortement de plus en plus fréquentes sur internet et pénalement répréhensibles.
La possibilité ouverte au juge de prononcer une peine de bannissement des réseaux sociaux dans le cadre d’un sursis probatoire a été supprimée au motif que la période d’un sursis probatoire peut aller jusqu’à cinq ans, ce qui est une période trop longue pour appliquer la peine de bannissement des réseaux sociaux.
L’article 5 bis a été réécrit en visant une réponse pénale rapide et efficace à l’encontre des auteurs de certains messages haineux en ligne et en permettant ainsi la délivrance d’amende forfaitaire délictuelle.
Après l’article 5 bis, un nouvel article a été inséré pour la peine de stage prévue par le code pénal pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement. Il crée un nouveau type de stage dédié à la sensibilisation au respect des personnes dans l’espace numérique, avec un volet particulier pour prévenir le cyberharcèlement.
L’article 5 ter inséré en séance publique du Sénat par amendement du Gouvernement vise à la pénalisation des montages et deepfakes pornographiques à savoir le fait de publier, sans son consentement, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne, et présentant un caractère sexuel. Les députés ont affiné cet article en commission en permettant de sanctionner l’ensemble des personnes qui repartageraient le contenu ainsi publié.
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