Proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
Le 25 mai, une commission mixte paritaire s’est réunie sur les articles restant en discussion entre les deux assemblées et a trouvé un accord sur la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Les conclusions de la CMP ont été entérinées par l’Assemblée nationale le 31 mai et le 1er juin par le Sénat : le texte est donc définitivement adopté.
Sur le fond, la loi comprend pour finir 18 articles aux objets suivants :
- L’article 1er définit, pour la première fois en droit, l’activité d’influence commerciale par voie électronique de la façon suivante : « Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique. »
- L’article 2 intègre les plateformes en ligne au cadre défini pour l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans, jusqu’alors limité aux plateformes de partage de vidéos. Désormais, les activités d’influence commerciale effectuées par des enfants de moins de seize ans sur des plateformes telles qu’Instagram, Snapchat ou Tiktok seront encadrées au même titre que sur YouTube ou Dailymotion.
- L’article 3 applique de façon explicite aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale le cadre juridique actuel relatif à la promotion de biens et services et à la publicité effectuée par voie électronique. Cet article « chapeau » a pour principal objectif de garantir que l’activité d’influence commerciale par voie électronique est soumise au même régime que les activités de promotion et de publicité classiques. Cet article présente ainsi une liste, non exhaustive, des principales dispositions à respecter pour la promotion de certains biens et services les plus controversés.
D’une part, s’appliquent à l’activité des influenceurs des mesures d’ordre général, notamment prévues par :
- la directive européenne « Vie privée et communications électroniques »;
- la directive européenne relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ;
- la directive européenne sur les services de médias audiovisuels12 ;
- la loi pour la confiance dans l’économie numérique.
D’autre part, s’appliquent à l’activité des influenceurs des mesures sectorielles d’interdiction de la publicité portant par exemple sur :
- les médicaments soumis à prescription médicale, sous réserve d’exceptions ;
- les dispositifs médicaux et leurs accessoires pris en charge ou financés, même partiellement, par les régimes obligatoires d’assurance maladie, sauf exception ;
- les préparations pour nourrisson ;
- les armes à feu ;
- les boissons alcooliques, à l’exception notamment de la promotion sur des services de communication en ligne, sous certaines conditions ;
- le tabac et les dispositifs électroniques de vapotage.
Enfin, s’appliquent à l’activité des influenceurs des mesures sectorielles d’encadrement de la publicité portant par exemple sur :
- les jeux d’argent et de hasard ;
- les boissons alcooliques lorsque la promotion est effectuée sur des services de communication en ligne ;
- les formations professionnelles ;
- la protection des publics mineurs.
- L’article 4 définit plusieurs régimes d’interdiction de la publicité de certains biens, services ou causes par les influenceurs, en raison de la nature et de la spécificité de ces biens, services ou causes et des risques pour les consommateurs.
Sont visées les interdictions suivantes :
- obliger les communications commerciales des influenceurs relatives aux jeux d’argent et de hasard d’afficher la mention « Interdit aux moins de dix-huit ans » ;
- interdire la promotion des produits considérés comme produits de nicotine, qui n’est pas couverte par l’interdiction existante portant sur les produits de tabac ;
- interdire la promotion de l’abstention thérapeutique, qui demeure une décision médicale, pour justifier la promotion de biens ou services ;
- interdire la promotion de prestations à des pronostics sportifs, considérant indispensable de diminuer la pression publicitaire de telles prestations sur les réseaux sociaux.
- L’article 5 crée plusieurs régimes d’informations générales applicables à la promotion de biens, de services ou d’une cause quelconque par les influenceurs.
Il y a donc une obligation de mentionner « Publicité » ou la mention « Collaboration commerciale » de façon claire, lisible et identifiable sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité de la promotion. A défaut d’indication, cela vaut une pratique commerciale trompeuse par omission au sens du code de la consommation, punie de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Il doit aussi être fait mention « Images virtuelles » et « Images retouchées » en cas d’utilisation de procédés d’intelligence artificielle ou de procédés pour affiner la silhouette ou modifier l’apparence.
Des obligations ont été aussi créées concernant le secteur de la formation professionnelle.
- L’article 6 encadre les opérations de livraison directe réalisées par les personnes exerçant une activité d’influence commerciale par voie électronique. Les influenceurs ont l’obligation lorsqu’ils n’assurent pas la livraison, d’indiquer l’identité du fournisseur, de s’assurer de l’absence de « fictivité » du produit et de respecter les conditions générales de vente. Ils sont responsables de plein droit à l’égard de l’acheteur, au sens de l’article 15 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
- L’article 7 définit, pour la première fois en droit, l’activité d’agent d’influenceur.
L’activité d’agent d’influenceur consiste à représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique définie à l’article 1er de la présente loi avec des personnes physiques ou morales et, le cas échéant, leurs mandataires, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque. Ces agents d’influenceur prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des personnes qu’ils représentent, pour éviter les situations de conflit d’intérêts et pour garantir la conformité de leur activité à la présente loi.
- L’article 8 crée une obligation de recourir, sous peine de nullité, à un contrat écrit d’influence commerciale avec les principales mentions obligatoires telles que la nature des missions confiées, la contrepartie perçue par l’influenceur, les droits et les obligations qui incombent aux parties ou encore la soumission du contrat au droit français.
- L’article 9 oblige les personnes exerçant l’activité d’influence commerciale à se doter d’une assurance responsabilité civile professionnelle lorsqu’ils sont établis en dehors de l’Union européenne, de la Confédération suisse ou de l’Espace économique européen. Il s’agit ainsi de permettre d’ouvrir une voie juridique d’indemnisation des victimes d’une activité d’influenceur basé hors de l’UE.
- L’article 10 adapte le droit national à certaines dispositions prévues par les articles 15 et 16 du règlement sur les services numériques (RSN) en matière de régulation des contenus illicites.
- L’article 11 adapte le droit national à certaines dispositions prévues par l’article 22 du règlement sur les services numériques (RSN) en matière de traitement prioritaire des notifications des signaleurs de confiance par les opérateurs de plateforme en ligne.
- L’article 12 adapte le droit national à certaines dispositions prévues par les articles 9 et 10 du règlement sur les services numériques (RSN) en matière de Coopération des opérateurs de plateforme en ligne avec l’administration contre la diffusion de contenus illicites.
- L’article 13 renforce les pouvoirs de police administrative de la DGCCRF. Elle a ainsi le pouvoir d’assortir d’une astreinte journalière, sans saisine d’une juridiction, toute injonction de mise en conformité prononcée après constatation d’un manquement ou d’une infraction.
- L’article 14 renforce la procédure de blocage judiciaire de l’Autorité des marchés financiers et adapte cette procédure aux spécificités de l’influence commerciale.
- Avec l’article 15, il s’agit de permettre l’adoption d’un protocole d’engagements entre l’État et les opérateurs de plateforme en ligne dans le secteur de l’influence commerciale avec pour objet :
- de favoriser la mise à la disposition du public de toute information utile portant sur les droits et les devoirs des influenceurs et agents d’influenceurs et visant à prévenir tout manquement aux dispositions de la présente loi,
- de favoriser auprès de leurs utilisateurs le signalement de tout manquement aux règles sectorielles commis par des influenceurs et agents d’influenceurs.
- L’article 16 complète les formations à l’utilisation responsable des outils et ressources numériques qui sont dispensées dans les écoles et les établissements d’enseignement en incluant des objectifs de sensibilisation aux risques d’escroquerie en ligne, au signalement des contenus illicites et à l’image des femmes.
- L’article 17 confie au Gouvernement le soin de remettre au Parlement un rapport unique d’évaluation dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi sur son application mais aussi sur les compétences et des moyens financiers et humains des autorités administratives contribuant à la régulation de l’influence commerciale, en particulier de la DGCCRF, de l’Autorité des marchés financiers, de l’Autorité nationale des jeux et de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
- L’article 18 conditionne l’entrée en vigueur des articles 10 à 12 et 15 à la réponse de la Commission européenne attestant de sa conformité au droit de l’Union au sens de la directive 2015/1535 relative aux services de la société de l’information.
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