Etude qualitative

L’orientation scolaire vécue par les jeunes et leurs parents

La réforme des lycées présentée cette semaine par le Président de la République contient un volet sur l’orientation. Pour donner un avis éclairé aux pouvoirs publics et pointer pistes d’amélioration des services de l’orientation, l’UNAF a donné la parole aux premiers concernés : les jeunes et leurs parents.

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Etude qualitative 2 : L'orientation scolaire vécue par les jeunes et leurs parents

Etude qualitative n°2

La réforme des lycées présentée cette semaine par le Président de la République contient un volet sur l’orientation. Pour donner un avis éclairé aux pouvoirs publics et pointer pistes d’amélioration des services de l’orientation, l’UNAF a donné la parole aux premiers concernés : les jeunes et leurs parents.

L’UNAF a mené une étude qualitative auprès de jeunes de 17/18 ans (scolaires ou apprentis) et de leurs parents. Cette étude a permis de mettre en lumière les motivations des jeunes, leurs critères de choix pour un métier, les personnes qui comptent dans leur cheminement et la façon dont ils vivent les différentes étapes de leur orientation scolaire. 
Chaque situation est particulière, mais avec cette étude qualitative, nous avons pu identifier des grandes tendances et 4 parcours-types.

L’orientation, un parcours personnel parfois difficile
L’orientation se révèle être un véritable parcours, durant lequel les jeunes ont besoin d’être davantage accompagnés : pour mieux se connaître, apprendre à faire des choix, appréhender les formations, les métiers et le monde professionnel, puis s’inscrire dans les écoles, rechercher un stage, voire plus généralement rechercher un logement et des modes de transport adaptés.

La place de la famille
Toutefois, cette étude confirme que les jeunes restent optimistes même dans les situations difficiles. Ils trouvent une part de l’énergie nécessaire à leur parcours d’orientation dans l’appui apporté par leurs parents. Ce constat a déjà été posé par l’UNAF lors de la Commission de concertation sur la politique de la jeunesse, pilotée par le Haut commissariat à la jeunesse. Fortement partagé par tous les membres de la Commission, il est repris dans le Livre vert intitulé « Reconnaître la valeur de la jeunesse ».

Des propositions
Puisque les parents sont directement concernés par l’orientation de leurs enfants, ils se révèlent être des acteurs-clefs d’une orientation réussie qui doivent être replacés au cœur des politiques publiques portant sur l’orientation. En conclusion de cette étude, l’UNAF propose des préconisations pour améliorer le dispositif existant et l’adapter aux besoins des jeunes et des familles.

Retrouvez l’enquête qualitative.

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Patricia HUMANN
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Éditorial

De nombreux rapports démontrent que l’orientation scolaire en France n’est pas satisfaisante et que les jeunes ont besoin d’un accompagnement renforcé dans cette étape importante de leur vie. Pour mettre en évidence les dysfonctionnements de l’orientation et donner avis aux pouvoirs publics, l’UNAF a souhaité donner la parole aux premiers concernés : les jeunes et leurs parents.

Parole aux jeunes et aux parents

Nous avons donc mené une étude qualitative auprès de jeunes de 17/18 ans (scolaires ou apprentis) et de leurs parents. Cette étude dont voici la synthèse, a permis de mettre en lumière les motivations des jeunes, leurs critères de choix pour tel ou tel métier, les personnes qui comptent dans leur cheminement et la façon dont ils vivent les différentes étapes de l’orientation scolaire.Retour ligne automatique
Chaque situation est particulière, mais avec cette étude qualitative, nous avons pu identifier des grandes tendances et des parcours-types.

L’orientation, un parcours personnel parfois difficle

L’orientation se révèle être un véritable parcours, durant lequel les jeunes ont besoin d’être accompagnés. Ils ont besoin d’aide pour mieux se connaître, pour apprendre à faire des choix, pour appréhender les formations, les métiers et le monde professionnel. Ce parcours d’orientation ne s’arrête pas au choix d’un métier et d’une formation, il continue : l’inscription dans les écoles, la recherche de stages, les transports, logement éventuel… Là encore les jeunes ont besoin d’être accompagnés dans la durée. Vous trouverez en conclusion les préconisations concrètes de l’UNAF pour améliorer le dispositif existant et l’adapter aux besoins des jeunes et des familles. Si les parents sont directement concernés par l’orientation de leurs enfants, ils se révèlent être des acteurs clefs d’une orientation réussie que les politiques publiques doivent prendre en compte.

Famille et optimisme

Plus largement, cette étude confirme d’une part que les jeunes sont optimistes face à leur avenir, d’autre part qu’ils trouvent une part de l’énergie nécessaire à leur parcours d’orientation dans l’appui que peut leur apporter leurs parents. Une affirmation que l’UNAF a fortement souligné lors de sa participation à la Commission de concertation sur la politique de la jeunesse, pilotée par le Haut commissariat à la jeunesse et au Livre vert intitulé « Reconnaître la valeur de la jeunesse ».

François Fondard
Président de l’UNAF


L’orientation scolaire, vécue par les jeunes et leurs parents

Étude réalisée par Patricia Humann, coordinatrice du pôle Éducation à l’UNAF, avec la collaboration de Rémy Guilleux, administrateur de l’UNAF, et de Christine Lamy, psychosociologue. (contact : Afficher l'email)

Objectifs et méthode :

L’objectif de cette étude qualitative, réalisée entre avril et juillet 2009, est de mieux comprendre le vécu des parcours d’orientation des jeunes de 17/18 ans. Nous avons choisi d’interroger des scolaires ou apprentis, en fin de cycle soit en Terminale générale, technologique ou professionnelle, soit en fin de CAP ou de BEP. Il s’agit de retracer le parcours de ces jeunes et d’analyser, pour chaque étape clef de leur orientation, la manière dont eux-mêmes, d’une part, et leurs parents, d’autre part, l’avaient vécu. L’étude a aussi pour objectif de mieux cerner comment se fait le choix final du jeune pour l’une ou l’autre des orientations qui se présentent à lui et ce qui a influencé ses choix.

Elle cherche par ailleurs à comprendre quelle est la perception par les jeunes et leurs parents des différents « accompagnateurs » du jeune et de leur rôle dans son orientation, c’est-à-dire, au sein de l’Éducation nationale : des professeurs, proviseurs, CPE, conseillers d’orientation, de ses parents et les professionnels qu’il rencontre, etc. Enfin, l’étude a pour objectif de cerner les attentes des jeunes comme de leurs parents pour un parcours d’orientation plus satisfaisant.

Compte tenu des objectifs de l’étude, la méthode est exclusivement qualitative sous forme d’entretiens individuels semi-directifs approfondis en face à face d’une heure.

Il s’agit en effet de pouvoir retracer, avec chaque jeune d’une part, et un de ses parents d’autre part, son parcours spécifique, afin d’identifier les points de satisfaction et d’insatisfaction, et les difficultés rencontrées. La méthode des entretiens est donc privilégiée par rapport à celle des réunions de groupe, car elle permet d’obtenir un ressenti individuel sur l’histoire spécifique de chaque jeune.

45 entretiens sont réalisés auprès d’un jeune et si possible d’un de leurs parents (mère ou père), soit 23 entretiens de jeunes et 22 entretiens de parents.

41 entretiens sont réalisés à Paris et à Tours en face à face.

4 entretiens sont effectués par téléphone auprès de jeunes habitant à Saint-Denis à la Réunion et d’un de leurs parents.


Principaux résultats

Les jeunes que nous avons rencontrés se trouvent être à une étape charnière de leur orientation. Ils sont en effet en fin de cycle scolaire ou d’apprentissage, juste avant un engagement dans la vie active ou dans des études supérieures.

Le premier point à souligner est que ces jeunes, à quelques exceptions près, et certains malgré un parcours relativement chaotique, se déclarent tous plutôt heureux de leur situation actuelle et relativement optimistes concernant leur avenir. Contents d’être parvenus à cette étape importante, proche d’un examen crucial (le bac, le CAP, le BEP), ils se montrent finalement satisfaits de leur vie. Certaines études quantitatives concentrées sur cette classe d’âge nous ont permis de conforter cette analyse.

Ils perçoivent leur orientation réellement comme un parcours, souvent avec de multiples « rebondissements », des « crises » et parfois le sentiment d’un « trop tard ». Lors de ce parcours, la présence importante auprès d’eux, selon eux comme pour les parents rencontrés, est celle de leurs parents. Ce sont eux qui réellement font figure d’accompagnateurs et cet accompagnement ne se fait pas sur un mode autoritaire, mais sur le mode de l’échange de points de vue, de l’aide à la réflexion. Les parents souhaitent laisser le jeune choisir par lui-même. Ils ne veulent surtout pas être trop interventionnistes. Ils souhaitent simplement être présents pour calmer leurs inquiétudes, rattraper les situations qui dérapent.

Parallèlement, selon les jeunes et les parents rencontrés, l’Éducation nationale ne joue pas le rôle attendu pour l’aide à l’orientation, sauf à quelques exceptions près et dans certaines filières. Le collège comme le lycée (général) est perçu comme étant là pour évaluer la capacité du jeune à suivre tel ou tel parcours et non pour accompagner dans le choix d’orientation. Les conseillers d’orientation psychologues jouent un rôle certain, mais là encore leur perception est mitigée.

Plus grave, concernant la perception de l’Éducation nationale par ces jeunes et leurs parents : leur sentiment est que le collège ou le lycée (général) agissent parfois « à côté » du choix du jeune, lui proposant une filière professionnelle ou une série générale ou technologique sans rapport avec sa demande, cette proposition n’étant pas argumentée.

Les jeunes et leurs parents ne s’attendent pas forcément à ce que leur choix ne leur soit pas accordé, du moment qu’aucun discours clair n’a été tenu sur le sujet par le collège ou le lycée directement à l’intention des parents et à l’intention des jeunes. La perception est donc parfois, dans la filière professionnelle comme dans la filière générale ou technologique, que l’Éducation nationale doit remplir des classes et des écoles, bien souvent au détriment des souhaits des jeunes. Un problème d’agenda est par ailleurs fortement souligné : la réponse négative face au choix du jeune semble tomber comme un couperet, « trop tard », fin juin en 3e, en 2nde, voire en 1re, et les parents ont toujours le sentiment de ne pas avoir été prévenus clairement et suffisamment à l’avance. Jeunes et parents se retrouvent alors face à un choix pour lequel ils ne se sentent pas épaulés : que faire ? Accepter la décision d’orientation ? Redoubler ? Faire appel ? Ils se sentent pris par le temps pour bien réfléchir et bien agir.

Dernier point à souligner : une fois intégrées les filières professionnelles et technologiques, au bout de 2 à 4 ans, celles-ci sont en général particulièrement valorisées par les jeunes et leurs parents, comme un moyen d’arriver plus vite à l’age adulte, avec un métier « en poche », même si ce choix est parfois vécu comme difficile au départ.

Enfin, tous les jeunes n’ont bien sûr pas vécu le même type de parcours.

Nous avons repéré 4 types de parcours d’orientation.

La méthode qualitative ne nous permet pas de mesurer la représentativité de chaque type de parcours.

Par ailleurs, comme l’orientation est un parcours, en perpétuelle évolution, l’appartenance à un type peut fluctuer. Il s’agit donc d’une photographie à un instant « T », mais chaque jeune peut se retrouver dans une autre situation après un certain temps, du fait de la rencontre de nouveaux obstacles (par exemple : impossibilité d’entrer dans les BTS ou filières supérieures souhaitées).

1. IPSOS santé pour la Fondation Wyeth pour la santé des adolescents et des enfants « Adolescents – adultes deux regards sur ce que réussir veut dire »  : 74 % des adolescents interrogésRetour ligne automatique
sont plutôt confiants ou très confiants par rapport à leur capacités personnelles à réussir dans la vie. http://www.forum-adolescences.com/Forum5/Download/SynthsesIpsosSant.pdf


4 types de parcours

La typologie s’organise autour des deux axes suivants :

Les « parcours linéaires » savent à peu près vers quelle voie se diriger et ne connaissent pas d’obstacle particulier par rapport à leur souhait d’orientation.

Les « parcours souples » ont une idée au départ (une passion, un rêve…) et doivent changer d’orientation du fait d’obstacles rencontrés dans leur parcours. Ils savent cependant se réinvestir de nouveau et rapidement dans un autre projet.

Les « parcours chaotiques » n’ont pas d’idée claire de ce qu’ils veulent faire, souvent par manque de confiance en eux, ils s’orientent un peu « au hasard », connaissent des difficultés, et même s’ils finissent la plupart du temps par retomber sur un choix plus adapté, leur parcours est difficile.

Les « parcours éclectiques » réussissent et apprécient de nombreuses disciplines. Ils ont des difficultés pour choisir, surtout parce qu’ils ont du mal à abandonner certains « pans » de savoir ou certaines activités. Leur niveau d’exigence vis-à-vis d’eux-mêmes est élevé.


Les « parcours linéaires »
(9 jeunes sur les 21 rencontrés)

Ces jeunes ne connaissent pas d’obstacle particulier par rapport à leur choix initial. Malgré quelques hésitations parfois, ils peuvent trouver leur voie sans trop de difficultés.

1. Soit par « coup de foudre » pour une matière, dans les filières générales et technologiques ou pour un métier découvert lors d’un stage.

2. Soit par identification à leurs parents ou à un type de métier familialement valorisé, même si cette identification n’est pas forcément consciente, certains jeunes n’ayant pas fait le rapprochement entre tel métier exercé par un père, une mère, ou un beau-père ou belle-mère et leur propre choix.

Notons que cette identification à un métier « familial » semble jouer un rôle non négligeable comme facteur d’équilibre pour les jeunes rencontrés. Les rencontres de professionnels peuvent à cet égard jouer le rôle de substitut de telles possibilités d’identification si elles n’existent pas dans la famille.

3. Soit un rêve d’enfant que rien n’est venu entraver :

« Conducteur de métro, c’est comme ça depuis 7 ans, la passion. À 12 ans, j’ai commencé à aller dans la cabine avec le conducteur. J’ai discuté aussi avec le père d’un copain qui est conducteur de TGV. »

Souvent, ils se montrent assez réfléchis quant à l’adéquation de leur choix avec leur propre -personnalité pour se conforter dans celui-ci (parfois avec l’aide de leurs parents) :

« J’ai choisi paysagiste aussi parce que j’étais fort en sport. Avant j’étais pompier. Le sport, ça m’a aidé. Je ne suis pas super musclé, mais j’ai de la poigne. Et puis cela ne me fait pas peur d’aller au charbon, je suis bosseur, manuel. Quand on a besoin de moi le samedi, j’y vais. »

La pratique vient renforcer leur décision (goût pour les études ou pour un stage).

Ces jeunes sont particulièrement heureux de leur situation présente et confiants dans l’avenir.

Ils montrent une personnalité plutôt « décontractée » : ils ne dramatisent pas l’orientation qui n’est pas « toute leur vie » et semblent s’arranger finalement pour s’investir dans des voies qu’ils peuvent atteindre, quelles qu’elles soient.

On retrouve parmi ces jeunes aussi bien des jeunes qui sont dans des filières générales, que d’autres qui sont dans des filières professionnelles.


Les « parcours souples »Retour ligne manuel
(6 jeunes sur les 21 rencontrés)Retour ligne manuel
« Je suis quelqu’un qui retombe sur ses pattes »

Ces jeunes ont un rêve ou une idée au départ, souvent un rêve issu de l’enfance : devenir pilote, médecin…

« J’ai toujours voulu faire du médical, diététicienne, nutritionniste, kinésithérapeute, plutôt dans le para médical. Tout me plaisait. Aider les gens, l’ambiance de l’hôpital. »

Ils rencontrent cependant des obstacles pour le réaliser : niveau d’études trop difficile, difficulté pour passer d’une série à une autre ou d’une filière à une autre :

« Mais je n’ai pas pu faire vétérinaire, c’était mon rêve depuis 8 ans, car je n’ai pas pu passer en S, donc j’ai fait des recherches et en fait je ne voulais plus être vétérinaire, mais infirmière ou puéricultrice et c’est là que j’ai trouvé le bac SMS.

Dans la filière professionnelle, ce peut être un manque d’habileté :

« Fabriquer, c’est minutieux (menuiserie), la pose moins. Moi je ne suis pas super minutieux. Je ne me suis pas rendu compte au début. Au BEP, ça allait, j’en suis sorti avec 14 de moyenne, donc j’ai été en bac pro. Mais là en entreprise, c’était plus difficile, alors je me suis réorienté vers la pose de cuisines. »

Ce peut être aussi un manque de place dans le lycée ou l’école souhaitée, l’absence d’école dans leur région :

« On devait mettre des choix mais que des écoles publiques en fait, donc vu qu’il n’y avait qu’un lycée public Esthétique, un petit lycée. J’étais sur liste d’attente en Esthétique, donc ils m’ont mis dans un lycée de secrétariat. Hors de question que j’aille là-bas. »

Ils doivent donc réfléchir à une autre orientation, finalement pas forcément très éloignée de leur choix initial en termes de compétences à mobiliser (STI au lieu de S, coiffure au lieu d’esthétique).Retour ligne manuel
Ils prennent une direction qui finalement leur convient, dans laquelle ils ont su s’investir, quitte à rêver de revenir vers leur passion initiale sous forme de hobby, ou plus tard :

Un jeune : « En STI, je suis bien, il y a des maths, de la physique et j’aime les laboratoires. »Retour ligne manuel
Son père : « Je lui ai dit qu’il pourra passer son brevet, plus tard, de pilote, donc ça allait mieux. »

Ils montrent une personnalité plutôt passionnée, optimiste, et volontaire.

Les obstacles rencontrés sont souvent des difficultés scolaires : ils n’ont pas le niveau pour suivre la filière souhaitée.

Les parents peuvent mal vivre cette « bifurcation » sur le coup, mais comme leur enfant finalement se plaît dans sa nouvelle orientation, cette déception s’estompe avec le temps.


Les « parcours chaotiques »

(5 jeunes sur les 21 jeunes rencontrés)

Par difficulté à faire un choix : manque de maturité, manque d’informations, difficulté à se projeter :

« La plupart du temps, il faut s’orienter, mais on ne sait pas quoi faire, il faut faire vite et la plupart du temps on se trompe dans ce que l’on choisit parce qu’on est trop jeune et pas assez informé. »

« Après la 3e, je ne savais pas trop ce que je voulais faire, j’ai voulu être menuisier, vétérinaire, footballeur, pilote. Plusieurs métiers sont passés dans ma tête. »

Parce qu’ils doutent ou ont peur de ne pas être à la hauteur,

« Je ne me sentais pas capable d’aller en général. Et les profs disaient : il faut au moins avoir 13/14 de moyenne. »

Ou bien encore du fait d’un refus dans la voie demandée (par manque de places), ces jeunes vont s’orienter dans un premier temps vers une voie qui ne leur correspond pas, et dans laquelle ils peuvent échouer par manque de motivation.

On note davantage un désinvestissement de la part du jeune pour cette voie qu’une incapacité à faire face à un niveau trop difficile :

« BEP compta, je suis resté un an, mais j’ai arrêté. Les matières ne me plaisaient pas. Je trouvais ça facile, banal, je ne me donnais pas de peine. J’allais au cours, mais cela m’embêtait.  »

Ils vivent un moment difficile de flou, d’échec.

La plupart du temps, les parents vont les aider à retrouver une nouvelle voie qui les motive, cette fois réellement :

Une mère : « Il a raté son diplôme pour passer en deuxième année alors là il s’est mis à réfléchir sérieusement. On a discuté, on a regardé tous les CAP. »

NB : Un certain nombre de jeunes « mal orientés », tout au moins dans la voie professionnelle, abandonnent leurs études à la Toussaint et se retrouvent de fait « déscolarisés » 2. Nous n’avons pas rencontré ces jeunes car notre échantillon était constitué uniquement de jeunes scolarisés ou en apprentissage ayant été jusqu’au bout de leur parcours (BEP, CAP…).

Jeunes et parents ont mal vécu ce parcours d’orientation.

Ils ont l’impression que les choix d’orientation, surtout en fin de 3e, mais aussi en fin de 2nde, sont faits sans aucune préparation, à la « va vite », sont bâclés :

« Les profs ne parlaient pas souvent de ce qu’on pouvait faire après la 3e. Ils étaient plus sur le brevet. Ils en ont parlé à la fin quand il y a eu les dossiers à remplir et là il fallait faire vite, ils ne nous ont pas expliqué. En fait la moitié de la classe a été refusée dans son choix, donc ils sont partis dans n’importe quoi. Il y en a qui sont partis en général, mais ils n’aiment pas du tout : ils s’attendaient à quelque chose de moins dur. »

Conscients cependant de leur immaturité à l’époque de ces choix, les jeunes regrettent leur manque d’accompagnement :

« Mais j’ai fait ces choix en bâclant. Cela s’est fait précipitamment. Je pensais que mon premier choix allait marcher, électrotechnique, donc « compta », le 2e choix, j’ai mis ça comme ça. Ma mère me disait : « tu es manuel, je ne te vois pas dans un bureau ». Mais je n’ai pas vraiment eu de conseils. On est jeune pour savoir ce qu’on veut faire. »

Ceux qui ont essuyé un refus dans la filière souhaitée par manque de places le vivent particulièrement mal, ce qui se comprend aisément :

Mère : « Elle voulait au départ quelque chose avec les enfants, donc plutôt sanitaire et social. Mais il n’y a pas eu de place. C’est une histoire de quota en fait. Le lycée n’a même pas voulu m’envoyer un dossier. Ils ont dit que les demandes étaient faites donc même pas la peine de venir. J’aurais pu faire une démarche auprès de l’Académie, mais je ne l’ai pas faite. Je m’en veux. Donc en fait elle a été vers un BEP vente. »

Surtout que les choix proposés sont parfois très éloignés du choix initial (ex : vente VS sanitaire et social).

Ces jeunes montrent, vers la 3e ou 2nde, un certain manque d’estime d’eux-mêmes, une peur de l’échec ou une immaturité, un désinvestissement de l’école qui les empêche de choisir sereinement ou de se battre pour un choix qui leur convienne.

A cette époque, ils ont eu du mal à savoir où se situait leur vrai « désir » et à ne pas se laisser influencer (par leurs amis, par des conseillers d’orientation ou des professeurs…).

Après quelques difficultés, grâce à une nouvelle voie plus adaptée à leurs compétences et à leurs goûts, certains parviennent cependant à sortir du découragement et à réussir enfin, mais d’autres restent désabusés. Retour ligne automatique


Les « parcours éclectiques ».

(3 jeunes sur les 21 rencontrés)

Ces jeunes s’intéressent à toutes les disciplines, réussissent dans toutes les matières et souvent aussi dans les disciplines pratiquées en dehors de l’école :

« En 3e, je me suis passionnée pour les maths, la physique, la chimie, la biologie et je voulais être ingénieur chimiste, j’adorais la chimie, le travail en labo. Mais en 2nde l’économie m’a beaucoup plu, une révélation, j’ai beaucoup hésité. J’ai pensé aussi aux carrières artistiques, car je suis bonne en dessin. Finalement, j’ai hésité entre prépa HEC et Sciences Po, finalement la géopolitique m’intéresse, donc Sciences po. »

Ils sont généralement ambitieux et à la recherche des voies les plus prestigieuses.

Ils raisonnent davantage en termes de « disciplines » et de formation (grandes écoles) que de métier.Retour ligne automatique
Ils ont eu des difficultés à choisir une voie plutôt qu’une autre et ne choisissent qu’au « pied du mur ».

Ils auraient besoin de conseils concernant l’adéquation d’un type de métier avec leur personnalité, pour se décider en fonction de leur « savoir-être », de leurs goûts, plus que de leur « savoir faire ».

Malgré leur réussite scolaire, ils sont finalement peu sûrs d’eux-mêmes. On sent peut-être pour ces jeunes une plus forte injonction parentale à réussir, source de leurs hésitations.

Le rôle des parents est un rôle d’« accompagnateur »

Les parents se positionnent comme des accompagnateurs de l’orientation des jeunes, en général sur un mode peu autoritaire.

« Le rôle des parents est irremplaçable. On connaît mieux notre enfant que quiconque et surtout c’est nous qui sommes les plus motivés pour que son orientation se passe bien. Pour s’orienter un enfant a besoin d’être soutenu, d’avoir des informations, mais il ne faut surtout pas prendre des décisions à sa place. »

Les jeunes parlent de leurs parents de manière positive : les termes de soutien, d’encouragement, de confiance, d’aide à la réflexion reviennent fréquemment :

« Je leur ai expliqué et ils m’ont soutenu. » « Ma mère m’a aidé car elle était tout le temps là, elle m’encourageait. »

Au jour le jour, les parents sont là pour discuter, aider à réfléchir, mettre en garde. Ils se perçoivent comme des médiateurs face aux institutions et des facilitateurs de la réflexion de leur enfant. Ils les mettent en garde par rapport à des choix qui risquent de ne pas correspondre à leur personnalité ou qui leur paraissent difficiles (ex : le social), ou sans beaucoup de débouchés (ex : le stylisme) :

« Des discussions avec ma mère, est-ce que j’aurais le courage de faire ça toute ma vie ? Je ne savais pas. Je ne sais pas si on peut se projeter comme ça sur toute sa vie. Après elle m’a dit que je pourrais aussi changer plus tard. Elle, elle n’a pas fait le même métier toute sa vie. Un métier dur en fait le social, pas bien payé. Elle me fait réfléchir sur mon choix. »

Sur le choix lui-même cependant, les parents se déclarent majoritairement peu interventionnistes.

Certains auraient presque peur de trop influencer leur enfant :

« J’interviens pas du tout tant qu’il n’y a pas un cas grave. Mon mari non plus. J’ai 5 enfants, je leur dis que c’est à eux de choisir leur orientation et de faire des efforts dans ce sens. C’est eux qui gèrent. Ils ont leur idée à eux. Je ne préfère pas les perturber. »

Seuls interviennent réellement les parents :

« Avec mon père on a vu différentes écoles et on en a parlé. C’est plus eux qui m’ont aidé car j’avais 14 ans. Moi je voulais juste travailler, moins d’école, moins de cours. J’étais encore petit, je voulais toucher à tous les métiers pour voir. »
Son père : « On a eu des discussions régulières, pas évident de savoir ce qu’on veut faire à 13, 14 ans. Il était branché sur la mécanique, mais on n’a pas trouvé d’école pour son âge. Après le mot agricole le gênait pour la MFR, mais il s’est très vite branché. Pas de conflit, il était ouvert. La seule chose qu’il voulait c’est de quitter l’école. »

Dont l’enfant se montre particulièrement angoissé, perdu face à un choix qu’il n’arrive pas à faire.

En revanche, tous les parents déclarent agir concrètement pour :

Et les jeunes leur en sont généralement reconnaissants :

« Elle m’a toujours soutenu. Elle a fait beaucoup de choses pour chercher les écoles, les entreprises. J’en ai profité. Elle a fait plus que moi. J’étais fainéant, je me levais tard. Je la remercie, cela aurait dû être moi qui le fasse. »

Au regard des difficultés des jeunes, certains parents regrettent de n’avoir pas été plus fermes.

Ils mettent ainsi en lumière que l’accompagnement des adolescents n’est pas facile. Les adolescents se veulent autonomes, mais ils ont besoin d’aide. Les parents sont confrontés au dilemme d’être trop ou pas assez proches, trop ou pas assez fermes.

« On est beaucoup mis à l’écart par rapport au choix. Elle aussi m’a mise à l’écart. Ils ont envie d’autonomie, mais pas tant que ça. A 15 ans, 16 ans ils ne savent pas trop ce qu’ils veulent faire. Elle était très changeante. On essayait de l’orienter dans ce qu’elle aimait. Je la vois dans le médical, c’est inné. On n’était pas d’accord toute les deux. Elle a redoublé sa seconde pour faire S et ça s’est très bien passé mais elle a décidé de faire ES. Par peur de ne pas y arriver, elle est revenue en arrière. Elle avait une amie en S qui lui disait que c’était dur. Elle était influençable. On l’a un peu trop laissé choisir. Trop de liberté de choix. Maintenant elle est un peu bloquée pour le paramédical. »

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Ces parents rencontrés culpabilisent et se reprochent « l’échec » de leur enfant (même si celui-ci a surmonté ses problèmes et s’est investi dans un autre projet).

Des conflits sont mentionnés, généralement quand le choix du jeune se porte sur une formation perçue comme étant d’un niveau « inférieur » à celui souhaité par les parents.

Jeune : « Ma mère voulait que j’aille en général. Je ne sais pas pourquoi. On s’est disputé beaucoup à cause de ça. Mais, de toutes les façons, le lycée m’a refusé. J’ai demandé un bac pro vente… »Retour ligne manuel
Mère  : « Elle me disait « Si je vais en 2nde, je ne ferai rien de toutes les façons ». Elle voulait aller dans la vente ; je lui ai dit « Je ne te vois pas dans la vente », elle m’a dit « Si », donc je lui ai dit « D’accord mais ne vient pas te plaindre après ». Les discussions montaient crescendo. »

Même si ces cas ne sont pas majoritaires, ils montrent le désir que leur enfant choisisse la voie à l’image la plus « prestigieuse ». Les jeunes se montrent quant à eux particulièrement tenaces face à leur choix. Et les conflits semblent s’apaiser dès que le jeune se montre heureux dans la voie qu’il a choisie.

Quand les parents ne peuvent accompagner…

Les missions locales ont pu intervenir en « bouée de secours ».

Un des jeunes rencontré trouve un appui auprès des missions locales, après une période de déscolarisation.

Ses parents ne pouvaient jouer le rôle de soutien et d’accompagnement :

La mère : « Je suis complètement paumée dans tous leurs trucs, je ne serais pas apte à les guider. Je ne m’en occupe pas, ils sont complètement autonomes. »

Le jeune : « Mes parents n’ont pas eu un grand rôle. Ma mère me disait de faire ce que je voulais faire. Je ne vois pas beaucoup mon père, mais quand j’ai arrêté le bac pro, il était inquiet, car je n’ai rien fait entre juillet et début janvier. Il m’engueulait. »

L’accompagnement de la mission locale est alors particulièrement valorisé par le jeune.

Le plus souvent, l’éducation nationale ne joue pas le rôle attendu par les jeunes et leurs parents pour l’aide à l’orientation.

L’école dans sa globalité est le plus souvent perçue comme peu impliquée dans l’aide à l’orientation :

« Pour le choix, on n’a rien eu de la part de l’école. Le choix s’est fait entre ma fille moi et mon mari l’a aidée aussi. »

« Les profs n’ont pas fait de réunion pour dire « Ben voilà, il faut que l’on discute de l’orientation. Il n’y a pas ce lien. » « L’école ne m’a jamais aidé, ils n’ont jamais pris une heure pour discuter avec moi. Ils m’ont proposé une STG, c’est tout. »

Le ressenti est particulièrement négatif pour les jeunes au « parcours souple », « parcours chaotique » ou « parcours éclectique ».

Les professeurs sont perçus comme peu concernés par la problématique de l’orientation.

« Les profs nous encourageaient, mais la plupart s’en fichaient de nos choix. »

Certains jeunes qui comptaient sur eux sont donc déçus :

« Je ne me suis pas trop renseigné en 3e, car je pensais que les profs allaient nous en parler. En fait, non. »

Ils dénoncent une absence de collégialité :

« Le professeur principal ne savait même pas ce que pensaient les autres collègues. »

Le seul critère pour orienter les élèves est perçu comme étant celui des notes, de leur niveau :

« Ils parlent toujours des notes. Par exemple, quand on dit : moi je veux être prof de ça ou vendeuse, ils disent : ben avec tes notes, cela ne risque pas de t’arriver. »

Leur « verdict » semble autoritaire plus qu’expliqué :

« Ils ne m’ont pas bien expliqué. En fin de 3e, ils m’ont dit : « Le BEP ou tu redoubles ». »

Ils ne semblent pas valoriser toutes les filières de la même manière. Certaines orientations sont trop souvent présentées comme « une punition ».

Certains parents englobent le désinvestissement apparent de l’école concernant l’orientation dans un désinvestissement global par rapport à tout ce qui peut arriver à leur enfant, y compris des agressions.

Le regret d’un manque de soutien de la part des professeurs et d’information directe des parents peut porter aussi sur les difficultés scolaires, qui fatalement vont remettre en cause un choix d’orientation :

« Les profs n’ont pas du tout aidé aux choix d’orientation, jamais. Ils se focalisent sur quelques élèves. Pour les autres, ils n’aident pas, alors qu’ils passent beaucoup de temps avec les enfants et connaissent leur personnalité. Il aurait fallu nous alerter qu’il y aurait des difficultés en 1re S, un suivi plus régulier, mettre en place une porte de sortie. La seule chose qu’ils nous disent, c’est qu’il a loupé une demi-journée. »

Deux jeunes ont été agressés (à proximité de l’école, par des élèves de leur classe), les lycées ne se sont pas montrés concernés.

Pour certains jeunes et leurs parents, l’école fait même plus que se désinvestir : elle oriente les jeunes là où il y a des places, quitte à les influencer vers un choix qui ne leur correspond pas.

Que ce soit vers des lycées professionnels :

« En fin de 3e, je voulais m’orienter vers un lycée pro mais je ne savais pas quelle branche choisir et je trouve que les profs ne nous ont pas parlé de toutes les possibilités, c’était au dernier moment en fonction des places qui étaient limitées, donc j’ai choisi menuiserie. »

« Ils voulaient remplir les 4 classes de S. C’était vraiment clair. On allait voir les profs scientifiques et ils nous disaient : « tu dois absolument passer en S, puisque tu as le niveau suffisant pour ». Sans se préoccuper du fait qu’on aimait davantage les autres matières. Pour peu qu’on ne soit pas trop sûr de ce qu’on voulait faire, ils nous disait d’aller en S car ça ouvrait toutes les portes. C’est sûr que dans un autre lycée… il y a plus de classes de ES et de L donc cela n’aurait pas été pareil.

Le regret du peu d’accompagnement de l’école est cependant (et logiquement) différente selon la position du jeune.

Certains discours dénotent un fort sentiment de solitude et une vraie colère de la part des parents de jeunes au « parcours chaotique » :

« J’étais toute seule, le collège n’a rien fait. On est livré à nous-mêmes. Ils ne sont pas concernés du tout. Ils les larguent à la 3e. Ils dégagent. C’est l’impression que j’ai eue. »

D’autres (« parcours souples ») souhaiteraient simplement que les professeurs sortent de leur seul rôle d’évaluateur d’un niveau de l’élève :

« De toutes les façons, ils vous voient 10 minutes et en général pour vous rappeler les notes que vous avez déjà reçues. Ils n’ont rien d’autre à dire que les notes. »

Les parents des jeunes au « parcours linéaire » se montrent plus « tolérants », comprenant ce peu d’investissement de la part des professeurs dont la mission principale est d’enseigner, de terminer un programme et non d’accompagner à l’orientation.

« Je n’ai jamais eu beaucoup d’aide de la part des profs. Mais ils sont déjà chargés avec des emplois du temps déjà lourds et vu le peu de temps qu’ils ont, ils se consacrent aux élèves en difficulté. »

« Les professeurs ont un programme et trop d’enfants. »

Certains jeunes et parents sont cependant conscients que des mauvaises notes, des conflits avec un professeur ou des problèmes de comportement rendent les relations entre parents et école plus tendues, plus lointaines, y compris pour l’orientation.

« Pas de relation terrible à cause de ses notes, pas trop d’aide. »

« I. ne voulait pas que j’aille aux entretiens avec les prof donc elle me le disait au dernier moment.  »

Dans quelques cas cependant l’école est perçue comme s’étant vraiment investie pour accompagner les jeunes.

Des professeurs principaux s’investissent pour aider les élèves, parfois dès la classe de 4e.

Un lycée a une démarche complète d’accompagnement à l’orientation avec :

Dans un collège en ZEP, un CPE et un directeur d’établissement jouent un rôle spécifique d’accompagnement, considéré par les parents comme « exceptionnel ».

La perception des conseillers d’orientation est plutôt négative.

Ils sont pénalisés par la mauvaise image de l’Education nationale concernant l’orientation et les jeunes ont souvent des préjugés à leur égard :

« Je n’ai jamais vu de conseiller. Ils nous conseillent dans une voie où on n’a pas envie d’aller ! »

Les expériences sont par ailleurs souvent négatives  ; les conseillers d’orientation sont perçus comme :

« En 3e, quand on a vu qu’elle ne pourrait pas faire véto, la conseillère l’a guidé comme elle a pu, mais sans pour autant que nous, parents, on soit conviés à venir donner notre point de vue. Ça manque. A 14/15 ans, ils ne savent pas trop ce qu’ils veulent faire et on ne sait pas où aller, vers quelle porte frapper.  »

« Je voulais savoir ce qu’il y avait en professionnel comme diplôme et les métiers après, les correspondances diplômes métiers, et elle m’a dit « vous avez le choix », mais elle a plus regardé ma moyenne que ce que je voulais moi. Elle a regardé mon dernier bulletin. J’étais avec ma mère. On a fait des tests et quand je suis rentrée, je n’avais que ça, l’histoire de la vente, car elle ne m’a parlé que de ça.  »

« J’ai été voir une conseillère d’orientation avec deux copines à moi qui voulaient aussi faire de l’esthétique. Elle nous a dit qu’on pouvait faire un BEP comptabilité car cela pourrait nous servir si on montait un magasin, j’ai pas compris. Elle nous avait donné le nom du lycée. »

Ils sont perçus comme ne regardant que les notes et l’avis du conseil de classe, sans être à l’écoute des goûts, des rêves, de la personnalité des jeunes, sans prendre en compte leur potentiel, parfois sur un mode relationnel froid et distant, mal vécu par les parents et par les jeunes :

« Elle n’était pas bien, elle regarde la note et elle nous rabaisse. Elle juge sans connaître, elle ne cherche pas à savoir. »

Les conseillers d’orientation psychologues ne sont donc ni perçus comme de bons « psychologues », car ils n’écoutent pas assez et ne rassurent pas, et ni comme des spécialistes de l’orientation car ils semblent méconnaître certaines filières.

Ils sont soupçonnés par certains de participer au « remplissage arbitraire de classes et d’écoles », comme l’ensemble de l’Éducation nationale.

Certains jeunes (mais c’est minoritaire dans cet échantillon) ont cependant une bonne perception des conseillers d’orientation psychologues rencontrés :

« J’ai été voir la conseillère d’orientation au CIO de ma ville en prenant rendez-vous. Ma mère m’avait conseillé. Elle m’a demandé de mettre sur un papier ce que je voulais faire, ce que j’aimais, le sport, les voyages, mes goûts, ce que j’aimais dans la vie. C’était un peu une psy. et c’est pas plus mal. A la fin du rendez-vous, je voulais faire STI hôtellerie pour faire chef cuisinier comme mon grand père en fait. Je suis assez créatif j’aime créer des plats… »

« Je l’ai vue en 2nde, elle m’a encouragé dans mes choix, très sympa. J’avais trouvé ce que je voulais faire et elle m’a dit que c’était bien pour moi, mon choix. »

Finalement, ce qui est attendu (reproché ou au contraire apprécié) de la part du conseiller d’orientation psychologue, c’est une prise en considération différente de l’élève, de son potentiel, en dehors de ses résultats scolaires, et une vraie capacité d’écoute.

D’autres éléments permettent aux jeunes de s’orienter.

Les contacts directs avec les professionnels et les stages aident à s’orienter.

Conforter un choix déjà fait :

« Je suis toujours en contact avec un animateur que j’ai vu pendant un stage en 4e. Il m’a transmis la passion des enfants . »

Préciser un choix :

« Je voulais le médical. J’ai choisi Imagerie médicale et thérapeutique car j’ai fait une radio et j’ai commencé à en parler avec le type et ça m’a plu. On peut travailler en clinique, en labo, à l’hôpital. »

Au contraire, faire renoncer à un choix :

« J’ai fait un stage chez une psychologue. J’ai assisté à toutes les consultations. J’ai vu que je ne voulais pas faire ça. Des problèmes familiaux, à l’école… C’était trop dur. C’est un beau métier mais de là à l’exercer ! »

Les jeunes et les parents ne semblent pas manquer d’information.

Ils fréquentent les salons de l’éducation et les salons professionnels. Ils consultent Internet.Retour ligne manuel
Les jeunes trouvent en outre des informations sur les métiers et les formations dans les centres de documentations de leur école.Retour ligne automatique
Ils citent majoritairement l’ONISEP et l’Etudiant comme sources d’information intéressantes.Retour ligne manuel
Leur problème est moins le manque d’information que d’avoir le temps de s’informer, du fait des problèmes évoqués ci-dessus :

La plupart des jeunes rencontrés sont contents de leur situation, surtout ceux qui ont expérimenté la voie professionnelle et technologique.

Les jeunes qui expérimentent la voie professionnelle, (dans la mesure où la filière correspond à leur choix), font part de leur réussite et de leur bonheur, après des années de difficultés scolaires et de désinvestissement.

Ils ont le sentiment d’apprendre un vrai métier (VS filière générale).

Ils valorisent ce métier :

« Quand j’ai été orienté vers paysagiste, ça a été un moment heureux. Et j’ai réussi à avoir mon brevet, c’est une victoire. En fait, quand je travaille, j’ai de bonnes notes. En ouvrier paysagiste, j’ai vu qu’il y avait l’élagage, la maçonnerie, les espaces verts et on est en contact avec les gens, je me suis dit : je touche un métier qui touche tous les métiers. »

Ils ne regrettent pas leur choix :

« Je ne regrette rien, j’aime bien l’esprit d’équipe, l’esprit de chantier, le client et tout. Je n’aime pas travailler seul. »
Les parents qui freinaient au départ sont finalement contents de voir leur enfant plus épanoui et sont rassurés par son fort investissement dans un métier.

Mère « J’ai été un peu ridicule. Il va s’en sortir beaucoup mieux que les autres. »

Les relations parents / jeune s’améliorent.

L’alternance est particulièrement valorisée, au plus près de la réalité du métier.

« Maintenant j’ai un bon patron et un bon salaire, c’est mieux d’apprendre au CFA que dans un lycée pro. Les profs au CFA ce sont les anciens du métier et on est chez un patron donc on voit bien la réalité, ce n’est pas de la théorie. C’est super au point, le CFA. Si j’avais su, j’aurais commencé par ça. »

« Ce qui lui plaisait, c’est dès la 4e de découvrir un métier avec un patron, d’avoir moins de cours. Trouver quelque chose de professionnel, être dans la vie active et moins de scolarité. Il est devenu plus mature. Il était tout de suite avec des adultes. Il s’est affirmé. »

Même si la grande difficulté reste de trouver une entreprise et d’être bien pris en charge en tant que stagiaire (certains jeunes ont manifestement été « exploités »). A l’inverse, la filière professionnelle peut être perçue comme décevante quand il n’y a pas de stage pratique associé à la théorie :

« Le lycée pro, cela ne me plaisait pas tant que ça. Ce n’était pas le métier que je n’aimais pas, c’était l’enseignement. »

Le choix de la voie technologique est particulièrement valorisé.

Les cours plus concrets et la pédagogie plus créative plaît aux jeunes :

« La relation avec les profs est bonne. On doit faire une étude pour le bac et on a fait un projet d’ouverture d’un restaurant. Ce sont des choses concrètes. Ça m’intéresse, ce qu’on apprend. »

Les professeurs des voies technologiques et professionnelles sont particulièrement appréciés.

« Les profs sont tous des professionnels du bâtiment. Ils sont vraiment bons. Ils te conseillent et tout. »

Ils sont perçus comme étant à la fois :

Ils semblent aussi plus proches des parents pour aider le jeune à s’investir.

Les jeunes rencontrés se projettent dans un avenir heureux, même s’ils sont conscients des difficultés qu’ils vont rencontrer.

Le terme « serein » revient souvent dans leur discours, même de la part des jeunes au « parcours chaotique » qui, souvent, se sont dirigés ou vont se diriger vers une voie qui leur correspond mieux.

Ils ne sont cependant pas naïfs par rapport aux difficultés à venir, même si ils sont optimistes et pensent qu’ils vont être capables d’y faire face.

Les jeunes en voie professionnelle sont les plus rassurés face à leur avenir. Ce sont aussi les plus avancés dans leurs études :

Les moins sereins sont en définitive les jeunes au « parcours éclectique ». Leur forte ambition fait qu’ils ne seront pas forcément sereins avant quelque temps, après avoir intégré une filière prestigieuse.

Les attentes pour une aide à l’orientation des jeunes et de leurs parents sont celles d’un véritable « accompagnement » dans la réflexion.

« Il faut plus de l’aide à la réflexion que de l’information. L’information, c’est facile. Après, c’est pouvoir s’imaginer dans ce métier. »

Avec un renforcement du rôle des conseillers d’orientation allant dans ce sens :

« Avoir de meilleurs conseillers d’orientation. Des conseils, pas de l’info. »

Cela passe par :

« Il faudrait qu’ils oublient les notes et qu’ils connaissent mieux l’enfant »

Le discours des jeunes dénote certaines difficultés à se projeter dans un monde d’adultes qui, c’est normal, leur paraît lointain. (Quel adulte arrive à se projeter à la retraite ?).

Ils font donc des suggestions pour s’approprier plus facilement ce monde du travail, pour « l’apprivoiser » :

Enfin, ils revendiquent un certain « droit à l’erreur » leur permettant de se réorienter en cas de choix (ou de non choix) ne leur correspondant pas :

« Des passerelles entre les filières, c’est ça qui serait important »


Orientation des jeunes : remarques et orientations

de Rémy Guilleux, administrateur de l’UNAF, président du département Education de l’UNAF
Choisir son métier, la formation qui y mène : un choix primordial pour chaque jeune mais un peu angoissant. Un choix qui se construit progressivement et qui fait appel à quelques fondamentaux :

Tout d’abord : la connaissance de soi. Le jeune doit être conscient de ses goûts, de sa personnalité, de ses aspirations… pour s’orienter et pour cela, il est nécessaire de lui permettre de vivre des situations qui puissent le guider, l’aider à se révéler. La place et le rôle de la famille sont déterminants.

Son orientation est souvent déterminée par des rencontres avec des adultes de son entourage, et c’est dans la qualité du dialogue qui s’établit entre ces adultes et lui-même que va s’enraciner son choix.

Enfin, au delà des échanges, donner la possibilité au jeune d’approcher au plus près ce que vivent réellement les professionnels au jour le jour est primordial. Ainsi, il pourra se projeter personnellement dans un futur métier en s’identifiant à ces adultes rencontrés.

Cette étude renforce par ailleurs les positions et demandes de l’UNAF à la commission de concertation sur la jeunesse organisée par le Haut commissariat à la jeunesse :

Dans les classes pour lesquelles un choix d’orientation doit être fait par le jeune (3e, 2nde, terminale) il faudrait donc prévoir d’informer, plusieurs fois dans l’année, et directement les parents sur le projet du jeune, sa faisabilité a priori et les autres solutions alternatives en cas d’impossibilité pour le jeune de suivre la voie souhaitée.La décision du conseil de classe au mois de juin apparaît très tardive pour les jeunes pour lesquels cette décision va à l’encontre de leur souhait d’orientation. Le référent accompagnant le jeune dans son parcours d’orientation devrait être en mesure de le rencontrer et ainsi que ses parents dès le début du troisième trimestre. Cette situation permettrait de les guider vers une solution alternative acceptable pour lui ou vers un service d’aide à l’orientation pour un bilan ou des conseils.L’UNAF appuie par ailleurs plusieurs préconisations du livre vert (inscrire les pratiques d’orientation dans l’environnement familiale et extrascolaire des jeunes, mieux préparer les transitions, revaloriser les filières technologiques et professionnelles, garantir les réorientations en cours d’année, créer un livret de compétences support d’une orientation positive). Elle réitère le souhait qu’elle a formulé de mettre l’accent sur le développement de la connaissance de soi, de l’estime de soi pour préparer le choix d’orientation, en permettant aux élèves d’évaluer leurs compétences, aptitudes, motivations sans se limiter aux seuls résultats scolaires.