Un réseau militant face aux défis de la protection juridique des majeurs

Les professionnels des services de protection juridique des Udaf, comme ceux des services d’information et de soutien aux tuteurs familiaux, agissent au quotidien pour garantir les libertés et les droits fondamentaux des personnes protégées et le respect de leurs choix de vie. En tant que tête de ce réseau et en tant que représentante officielle des familles, l’Unaf est pleinement engagée aux côtés des majeurs protégés, de leur famille et des professionnels des services des Udaf.

Réalités Familiales n° 138/139
G. Leneveu V. Bonne RF 138-139

Réalités Familiales n° 138/139

Guillemette Leneveu, Directrice générale de l’Unaf & Valérie Bonne, Coordonnatrice du Pôle Protection et Droits des Personnes de l’Unaf

Un réseau qui défend les personnes protégées


Le réseau Unaf-Udaf porte depuis toujours la voix des personnes vulnérables qui bénéficient d’une mesure de protection. L’Unaf entretient des relations étroites avec les administrations centrales, les cabinets ministériels et les parlementaires pour faire évoluer le droit de la protection juridique des majeurs (PJM).

De longue date, l’Unaf participe aux nombreux groupes de travail dans ce secteur : mission interministérielle en 2018 sous l’égide d’Anne Caron-Déglise*, travaux sur l’éthique, travaux de l’Anesm (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux) et de la HAS (Haute Autorité de Santé), groupe de travail interministériel et pluridisciplinaire en 2021, etc. Ses contributions s’appuient toujours sur les remontées et les analyses du réseau des Udaf, premier réseau associatif de services de protection juridique des majeurs.

À chaque évolution législative ou réglementaire, l’Unaf participe aux débats et se place comme force de proposition avec, en ligne directrice, le respect des libertés et des droits fondamentaux des personnes ainsi que la promotion de leur autonomie.

Qu’il s’agisse, par exemple, de droit de vote, de mariage, de don du sang, l’Unaf a obtenu différentes mesures dans les réformes récentes favorisant l’autonomie des personnes protégées, notamment dans la sphère personnelle.

Afin de garantir une réelle protection aux personnes dont les facultés personnelles sont altérées, l’Unaf insiste toujours sur la nécessité de maintenir la place centrale du juge judiciaire, garant des droits et libertés des majeurs protégés (par exemple lors de son audition dans le cadre des États généraux de la Justice de 2021).

La défense des droits des personnes protégées prend des formes diverses. Ainsi l’Unaf, avec l’Interfédération PJM, a formé un recours contre le décret du 31 août 2018, qui avait augmenté la participation des personnes protégées au financement de leur mesure et supprimé la franchise sanctuarisant les revenus jusqu’au montant de l’allocation aux adultes handicapés.
Le Conseil d’État lui a donné raison en annulant cette disposition par une décision du 12 février 2020. L’Unaf regrette toutefois que le nouveau barème adopté en 2020 augmente la participation de certains majeurs protégés dont les revenus sont modestes. Elle continue de demander, avec l’Interfédération PJM, un financement public à la hauteur des besoins du secteur afin de garantir une protection de qualité aux personnes protégées.

L’action de l’Unaf pour les personnes protégées bénéficie plus largement à l’ensemble des personnes vulnérables qui sont confrontées à des difficultés similaires. Ainsi, l’Unaf s’est mobilisée, au début du premier confinement en mars 2020, face au refus du paiement en espèces par certains commerçants et à la fermeture des agences bancaires. L’Unaf, en sa qualité d’association de défense des consommateurs, est intervenue avec succès auprès de la Banque de France, de la Direction du Trésor et de la DGCCRF. Toutes les personnes privées de cartes de retrait et de paiement, soit 5 % de la population en France, ont bénéficié de cette action, menée aussi avec l’Interfédération PJM, auprès des ministères et du Défenseur des droits.

Toujours en se fondant sur l’expérience des Udaf, l’Unaf a alerté le Défenseur des droits sur les difficultés rencontrées par les personnes protégées, ainsi que les MJPM et les tuteurs familiaux, face à la dématérialisation des services publics. L’Unaf a exposé les risques d’exclusion numérique des publics les plus vulnérables. Elle a rappelé la nécessité de mettre en place des accès adaptés aux services numériques, lorsque l’usager est une personne protégée (double accès pour la personne et le protecteur et accès spécifique pour le protecteur). Ces points ont
été repris dans le rapport du Défenseur des droits de 2019 et dans le rapport de suivi « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? », paru en février 2022.

Un réseau innovant au service des personnes vulnérables et de leur famille


Le réseau Unaf-Udaf a été pionnier pour le soutien aux familles dont un proche bénéficie d’une mesure de protection. L’Unaf a porté le principe de priorité familiale lors de la réforme du droit de la protection juridique des majeurs afin que ce principe soit inscrit dans la loi.
Dès l’adoption de la loi du 5 mars 2007, le réseau des Udaf s’est mobilisé en créant des services d’aide à ces familles pour les informer et les soutenir.

Ce sont d’abord avec les moyens propres aux Udaf, notamment issus de la convention d’objectifs signée entre l’Unaf et l’État, que les services d’information et de soutien aux tuteurs familiaux (ISTF) ont pu être mis en œuvre par les Udaf. Et c’est ensuite grâce à l’action de l’Unaf, qui s’est fondée sur la réussite des projets créés par les Udaf, qu’un financement est désormais prévu chaque année dans la loi de finances pour l’ensemble des associations qui assurent ce service.
Représentante de l’ensemble des familles, l’Unaf est d’autant plus active auprès de celles qui envisagent une mesure de protection ou qui ont besoin de soutien pour exercer cette mission délicate.

Dans ce cadre, l’Unaf développe une politique de communication importante à l’attention des tuteurs familiaux. L’Unaf a ainsi conçu une collection de fiches « infos tuteurs familiaux » qui informent les familles sur leurs obligations et les droits de leur proche vulnérable. Ces fiches, régulièrement mises à jour en fonction de l’actualité, sont largement reprises par des médias.

Acteur de référence en matière d’ISTF, l’Unaf contribue également activement aux travaux collectifs nationaux, comme la rédaction d’une mallette pédagogique avec la DGCS et l’ANCREAI, à l’attention des tuteurs familiaux.

Les curateurs et tuteurs familiaux sont des aidants familiaux pour lesquels le réseau Unaf-Udaf est particulièrement engagé, notamment pour une reconnaissance du rôle majeur qu’ils jouent auprès des personnes vulnérables. Depuis 2020, le réseau expérimente un nouveau service de médiation pour aider les familles confrontées à des situations conflictuelles, liées au handicap ou à la dépendance, à renouer le dialogue et à trouver des solutions (Médiation entre Aidants et Aidés initiée par l’Unaf et la CNSA, avec le soutien de la Cnaf).

« J’ai malheureusement traversé une période difficile et ma vie a basculé. C’est à ce moment-là qu’on m’a proposé d’être mis sous protection. J’ai accepté car j’étais sur le point de me perdre totalement. Sans l’intervention de la mandataire, j’aurais sûrement fini à la rue. Elle s’occupe de mon budget, elle éponge les dettes que j’ai contractées. Cela me permet de me consacrer pleinement à ma recherche de travail. »

Témoignage

Le réseau Unaf-Udaf est également innovant dans les services proposés aux personnes vulnérables elles-mêmes, qu’elles bénéficient ou non d’une mesure de protection. Ainsi, les Udaf disposent de plus de 30 ans d’expérience dans le domaine de l’habitat partagé. Aujourd’hui, elles proposent des solutions d’habitat inclusif, sur l’ensemble du territoire, en particulier pour les personnes en situation de handicap psychique ou les personnes âgées (« Famille-Gouvernante », pension de famille, résidence accueil, accueil familial…).

Enfin, les Udaf sont impliquées en matière d’inclusion numérique, notamment dans le cadre du dispositif des conseillers numériques France services. Ces dispositifs concernent l’ensemble des citoyens, et donc aussi les personnes qui bénéficient d’une mesure de protection.

Une tête de réseau en soutien aux services des Udaf


L’Unaf anime le réseau des services PJM et ISTF des Udaf. Les équipes pluridisciplinaires des Udaf bénéficient du soutien de l’Unaf, et ce sur tous les sujets d’actualité : actualités juridiques, réforme de l’évaluation des services, expression et participation des usagers, pratiques innovantes développées pendant les périodes de confinement, etc.

Les échanges de pratiques entre professionnels et les webinaires, animés par l’Unaf, complètent les formations proposées par l’Unafor au réseau, notamment celles à l’attention des professionnels de l’encadrement.

Au travers de ses communications au réseau, l’Unaf recommande l’harmonisation des pratiques et seconde activement les services. Ainsi, par exemple, dès décembre 2020, avant le début de la campagne de vaccination, l’Unaf a examiné la question du consentement des personnes protégées et du respect de leur choix. Une note complète, ainsi que des modèles de courriers, ont été fournis aux Udaf pour leur donner les moyens d’assurer l’information des personnes protégées et le cas échéant, leur assistance ou représentation.

L’Unaf travaille avec l’ensemble de son réseau pour construire des outils pratiques complets. Elle s’appuie sur des groupes d’échanges et de travail auxquels participent de nombreux professionnels des Udaf. Les outils élaborés intègrent ainsi sur leurs expériences et leurs contributions.

C’est ainsi que l’Unaf a produit avec son réseau, en relation étroite avec la CNIL et les services de l’État, un guide pratique de conformité au RGPD (protection des données personnelles) et un protocole d’archivage, qui constituent des documents de référence nationale pour un nombre important d’activités.
De nombreuses productions de l’Unaf, comme ces deux documents, sont ensuite mises à disposition de l’ensemble des services du secteur social et médico-social et bénéficient ainsi in fine à l’ensemble des personnes protégées.

Les groupes de travail du réseau Unaf-Udaf contribuent également aux travaux menés par les ministères ou les administrations centrales (Direction Générale de la Cohésion Sociale et Direction des Affaires Civiles et du Sceau notamment).

Ainsi, en réponse à la demande du ministère de l’Autonomie, l’Unaf a contribué à la « Charte éthique et accompagnement du grand âge » parue en septembre 2021. De même, le réseau a étroitement collaboré à l’élaboration du document « Repères pour une réflexion éthique des mandataires judiciaires à la protection des majeurs » publié en 2021, à l’issue des travaux sur l’éthique, menés par la DGCS entre 2017 et 2020 avec l’ensemble des acteurs de la PJM. Notre réseau a apporté des idées, a alimenté les échanges avec des exemples de situations vécues et a participé activement aux réunions du groupe de travail national.

L’Unaf a pour objectif que l’ensemble des professionnels puissent s’approprier ces Repères afin de construire une véritable culture de l’éthique et mieux garantir le respect des droits et libertés des personnes protégées. À cet effet, elle a pris en charge une très large diffusion de ces Repères au sein du réseau. Elle a organisé un webinaire de présentation avec la participation de la DGCS, d’Anne Caron Déglise, avocate générale de la Cour de cassation et de Fabrice Gzil, philosophe spécialiste de ces questions. Ces actions sont venues en complément des formations sur l’éthique assurées par l’Unafor.

Un réseau engagé pour la reconnaissance de la politique publique de la PJM


La protection juridique des majeurs est à la croisée de différentes politiques : handicap, santé mentale, dépendance, grand âge. Son éclatement entre plusieurs ministères (Justice, Santé, Solidarités, etc.) a pour conséquence qu’elle est peu connue et souffre d’un manque de pilotage.

Afin de mettre en lumière cette politique et ceux qui concourent à sa mise en œuvre, l’Unaf livre, depuis de nombreuses années et en collaboration avec l’Interfédération PJM (Unaf-Fnat-Unapei), un plaidoyer énergique en faveur de la reconnaissance d’une véritable politique publique de la PJM. L’Unaf défend l’idée d’une politique d’investissement conséquente en faveur des personnes vulnérables.

Une étude d’impact de la PJM a été réalisée à la demande de l’Interfédération PJM. Elle a montré l’utilité de cette politique publique qui génère, chaque année, des gains socio-économiques pour l’ensemble de la société*.

Forts de cette démonstration chiffrée réalisée par un cabinet indépendant, les réseaux de l’Interfédération PJM ont mobilisé les pouvoirs publics dans l’ensemble des territoires. Ils demandent une plus grande reconnaissance pour cette politique et des moyens à hauteur des besoins croissants et des compétences exigées auprès des professionnels. Dans cette optique, auditionnée par le CESE en 2022, dans le cadre de ses travaux sur la revalorisation des métiers de la cohésion sociale, l’Unaf a exposé les difficultés de recrutement auxquelles font face les services mandataires.

De premières avancées ont été obtenues en 2022 : financement de 200 professionnels supplémentaires dans les associations et intégration des délégués mandataires dans les revalorisations salariales prévues pour le secteur social et médico-social.

La gestion des mesures de protection permet au réseau d’appréhender au plus près les difficultés quotidiennes des personnes vulnérables. Son autre mission de représentation conduit le réseau à relayer les problématiques de ces publics dans des contributions sur des champs de politique publique plus vastes. À titre d’exemple, dans le cadre des Assises de la santé mentale (2021) auxquelles elle a contribué, l’Unaf a tenu à témoigner en particulier du rôle spécifique des MJPM et des tuteurs familiaux auprès des personnes souffrant de troubles psychiques.

En conclusion


L’allongement de la durée de la vie, l’augmentation des problématiques de santé mentale, la prise en charge de toutes les formes de handicap ou encore la précarisation et l’isolement croissants d’une partie de la population soulèvent des défis considérables.

Les décideurs publics doivent y répondre par un investissement réel dans la protection juridique des majeurs, politique publique par nature interministérielle. Elle doit être pilotée au plus haut niveau, avec une vision à moyen et long terme, d’où la demande d’un délégué interministériel qui fait consensus auprès de l’ensemble des acteurs.

A l’image de la société, la protection juridique des majeurs évolue constamment. C’est par un travail collectif de l’ensemble des acteurs du secteur que nous avancerons. Quelles que soient les différences d’approche qui peuvent se révéler dans les travaux nationaux, tous les acteurs poursuivent un objectif commun : le respect des libertés et des droits des personnes vulnérables.

C’est dans cette perspective que l’Unaf travaille au quotidien avec les Udaf, à la recherche de l’équilibre entre le respect de l’autonomie et la protection des personnes. Que l’ensemble des membres de notre réseau qui s’investissent en apportant leur expertise et leur expérience de terrain soient chaleureusement remerciés pour leur engagement aux côtés de l’Unaf, dans la défense des intérêts des plus vulnérables et de leurs proches. 

« Le problème c’est le regard de la société. Quelquefois je suis mal parce que j’ai l’impression d’être un citoyen de seconde zone, à la banque, par exemple. Pourtant, je formule des demandes cohérentes et sensées. La société est très brutale. Dans la vie, on a le droit de tomber non ? »

Témoignage